Les draps qui les recouvrent transforment les œuvres en fantômes. Des murs semblent suinter des fresques inachevées. Se promener dans les salles fermées du Musée Départemental de l'Oise a la magie des coulisses, comme si le lieu était constitué de chausse-trappes, de portes dérobées, de couloirs secrets. Le mystère hante ces lieux fermés depuis douze ans au public et bientôt en rénovation.


Hier matin nous avons donc fait un saut à Beauvais pour repérer la salle Thomas Couture où sera représenté notre opéra Nabaz'mob du 5 au 23 octobre prochains. Chaque lieu impose une scénographie différente. Ici le public limité à dix-neuf visiteurs à la fois, pour raison de sécurité, assistera à la représentation du haut d'une petite estrade tandis que le clapier s'étalera à ses pieds dans l'obscurité. L'acoustique de la salle autorise la diffusion acoustique, soit cent petits haut-parleurs, un dans chaque estomac lagomorphe.
Après le déjeuner, nous visitons la cathédrale gothique dont la mégalomanie lui fut fatale tout au long de son histoire. Première de son espèce au Xe siècle, la Basse-œuvre fut détruite après d'innombrables incendies. Elle est remplacée par l'actuelle au XIIIème, la Haute-Œuvre, qui s'écroulera plus d'une fois. Après la nef, la flèche "la plus haute de toute la Chrétienté", cent-cinquante-trois mètres, y passera avec le clocher. Aujourd'hui encore, à l'intérieur, les chutes de pierre ont obligé partout l'installation d'étais en bois pour que le ciel ne tombe pas sur la tête des fidèles. Le résultat de cette démesure est franchement tarte et risible.


Nous préférons admirer les magnifiques sirènes musiciennes situées sous l'une des tours de l'entrée du Musée, découvertes dans les années soixante alors que le XIXe siècle les avait enfouies derrière la chaudière ! Il en reste quatre, sur les huit probables, qui jouent de la cornemuse (une pipasso ?), d'un flageolet et d'un tambourin, de la viole (viola da braccio) et d'un instrument à cordes étrangement appelé trompe marine. En admirant ici les fresques, ailleurs les bas-reliefs comme dans l'Égypte ancienne, j'adore imaginer la musique que l'on pouvait jouer alors, puisqu'aucune trace ne nous est parvenue. Des os de mammouth retrouvés en Russie m'avaient laissé perplexe sur la musique qui avait pu en germer. C'est pareil avec les instruments contemporains les plus bizarres dont je fais couramment l'acquisition et qui me laissent libre d'inventer tout ce qui me passe par la tête !