Étienne Brunet accouche d'un nouveau concept, comme chaque fois, avec les forceps. Fidèle qu'à lui-même, il reproduit les gènes d'un autre médium pour sortir du noir et crier rage ou désespoir. Pendant un an il aura creusé une ribambelle de logiciels de son et d'image pour faire naître son projet inspiré d'un roman à paraître. Quand cela ? On ne sait jamais. Tinnitus-Mojo est son histoire, celle d'un musicien qui a perdu l'audition d'une oreille et se lance éperdument dans la quête infinie des nouvelles technologies pour retrouver sa forme, ou, à défaut, l'inventer. La première pièce, Only One Ear, n'est qu'un flux de mots censés représenter des styles musicaux, mais la valse des étiquettes ne remplace pas la défection des labels de disques indépendants. Internet palliera-t-il à la surdité totale de la production ? Certains trouveront l'alien naïf et touchant, d'autres seront impressionnés par la somme de travail qui aura permis à l'auteur de produire seul, ou presque, cette suite vidéographique qui tient à la fois du clip expérimental, de la poésie sonore et d'une électroacoustique jazzy.
La seconde pièce, Shaman Woman, est une variation graphique et vocale autour de l'œil d'Anoushka Shankar découpé dans un magazine. Marylin danse sur le balancier d'un métronome comme jadis celui de Man Ray, rythmant une chanson pop en forme de clip.


Dans la troisième, Tinnitus-Mojo, la voix de Brunet, transposée dans le grave, soulignée par un karaoké de poète, conte son histoire dramatique, la perte d'un amour et celle de son oreille. Tinnitus signifie acouphène en anglais. Le bruit blanc des sons électroniques perturbe l'écoute tandis que le sax alto swingue sur des élucubrations vidéographiques. Léo Brunet, le fiston qui jouait de la Gameboy au Placard, est passé à la guitare et à l'électronique. La basse est tenue ici par Thierry Negro, ailleurs par Mamadou Faye.
Acouphènes-Parade, quatrième vidéo HD (il y en aura bientôt quatre de plus sur son nouveau site en construction), présente Étienne Brunet avec sa véritable voix qu'il aura beau faire rebondir sur les parois de sa chambre, les mots s'imprimeront sur l'écran comme la mauvaise conscience des rêves avortés. Les restes d'un romantique espoir agissent à la fois en soupape de sécurité et cause de la douleur. La persévérance, cher Étienne, est la seule échappée, tu l'as compris depuis longtemps.