Je pensais être capable de marcher "sur les pas de Céline", mais j'ai dû écourter la promenade du DVD Paris Céline, excédé par la gouaille forcée de Lorànt Deutsch. Si Louis Ferdinand Céline est l'un des plus grands écrivains français du XXe siècle avec Louis Aragon, leurs points de vue politiques réciproques ont souvent écarté maint lecteur. Les documents d'époque cités sont toujours passionnants, mais les singeries langagières du commentateur arpentant les lieux céliniens de Paris ne font pas style pour autant. Peut-être suis-je de mauvaise foi, le fond rejoignant la forme, car j'ai du mal à suivre les fans de Céline lorsqu'ils penchent vigoureusement à droite. Pour l'auteur du film, Patrick Buisson, le handicap est carrément extrême, puisqu'il dirigea Minute et Le Crapouillot et collabore avec Sarkozy en le conseillant, entre autres, sur la création du ministère de l'Identité nationale. Je m'en veux même de lui faire de la publicité en citant son nom, mais de toute manière le documentaire réalisé par Guillaume Laidet est rasoir. Mieux vaut se tourner vers Céline vivant, un DVD bouleversant et autrement plus stylé, également publié par Les Éditions Montparnasse.

Quant à Paris, on se rattrapera aisément avec un troisième DVD du même éditeur, une suite d'images cadrant, entre autres, l'époque de mon enfance, émotions fidèles comme en produit aussi Le ballon rouge de Robert Lamorisse. On n'imagine jamais à quel point la France d'avant 1968 était grise, sans couleurs psychédéliques ni rouge et noir. Tout en nuances de gris, les photographies noir et blanc de Robert Doisneau tout simplement forment un kaléidoscope aussi puissant que tendre. Dans le film de Patrick Jeudy, le photographe commente ses clichés en voix off, dispositif simplissime et hyper-efficace, sans autres fioritures que la tendresse et l'humanité qui s'en dégagent. En marge du film, les 700 photos sont réunies en séquences thématiques, sans leur commentaire, exposant la justesse du regard et son intelligence. Comme sur une valse musette on se laisse porter par les images des usines Renault et de la banlieue, des anciennes Halles et des bistrots, de la Libération de Paris et de célébrités comme Prévert, Léautaud, Picasso et tant d'autres, de la mode qu'il critique et des baisers qu'il met en scène. J'aime particulièrement la série de la boutique de Romi où est exposé la tableau d'une femme nue avec les passants derrière la vitrine. Jusqu'à la fin de sa vie en 1994, Robert Doisneau a photographié les enfants de son quartier de Gentilly, comme me le racontaient mes nièces lorsqu'il venait à chaque fête de leur école.

P.S. : jusqu'au 28 avril Exposition Doisneau, Paris Les Halles à l'Hôtel de Ville (Salon d'accueil de la Mairie de Paris), de 10h à 19h sauf dimanche, entrée libre.