Pour celles ou ceux qui suivent ce blog depuis sept ans ou moins, je plonge aujourd'hui dans une énième analyse du processus de création que j'ai coutume de nommer discours de la méthode.
Lorsque l'on compose ou que l'on crée quoi que ce soit, on croit parfois tenir du solide mais il suffit d'un courant d'air pour que tout s'évapore. Ainsi, depuis juin, je suis certain de tenir la musique principale de l'œuvre que nous construisons pour iPad avec Nicolas Clauss. Il s'agit même du fondement de la méthode que j'ai choisie. J'ai d'abord écrit quatre petites pièces inspirées de la Renaissance, voire de morceaux composés par Leonardo da Vinci lui-même. Elles doivent servir comme canevas à tout le reste, sans ne jamais être diffusées telles, mais retravaillées selon des processus pervers dont j'ai le secret. Même tonalité de mi bémol pourtant, idée aussi sotte que grenue qui n'arrangera pas Vincent Segal dont aucune des cordes ne pouvait sonner à vide, et même tempo de 100 à la noire. Il fit aussi des merveilles avec l'arbalète, le violon alto électrique en laiton et plexiglas construit par Bernard Vitet avec Raoul de Pesters.
Les 78 notes isolées que j'enregistre moi-même pour la première partie éminemment interactive en découlèrent, et je diffusai au casque les quatre pièces à mon camarade violoncelliste pour qu'il improvise de courtes boucles pour la seconde partie. Là-dessus, je monte, mixe et nous venge pour ne conserver que le quatrième essai, le plus lent, associant 27 boucles, jusqu'à quatre par quatre, dans des combinatoires quasi infinies. Les ambiances que j'enregistre pour la cinquième piste s'avèrent beaucoup trop chargées et je dois les remplacer par des décors aux propriétés aussi évocatrices que narratives. Chez moi cela signifie que l'auditeur peut se faire son propre cinéma, d'autant qu'en les diffusant avec des images aussi variées que celles de Nicolas les effets de sens se multiplient à foison. Je tenais donc les deux premières parties, persuadé que la troisième s'appuieraient sur les quatre pièces écrites à l'origine du projet commandé par la Cité des Sciences et de l'Industrie.
C'était sans compter la bande-annonce réalisée par Sonia Cruchon, notre infatigable et zélée chef de projet. En en composant la bande-son je me rends compte que je tiens la musique de La machine à rêves de Leonardo da Vinci. C'est le titre de l'œuvre. Je recycle pour la partie III les ambiances écartées de la II et jette à la poubelle trois des quatre pièces initiales qui n'ont en fait rien donné de bon depuis le début. La quatrième suit le même chemin, mais au moins je m'en suis servi.
Je ne jette jamais rien, ni ne critique, sans proposer une solution plus convaincante. Les 14 boucles réalisées avec les cordes transformées par le H3000, un effet brintzingue programmé par mes soins, jouent alors le rôle d'orchestre pour que j'y superpose des instruments concertants en relation avec les différentes couches graphiques programmées par Nicolas Buquet. Les tests orientent mon choix vers une flûte roumaine en bois, la trompette à anche, une boîte à musique parfaitement en phase avec l'objet virtuel finalisé par Mikaël Cixous, un glassharmonica un peu en avance sur son temps, un marimba pour les parties rythmiques et un chœur qui me permet d'intégrer la voix humaine au projet. Petit aperçu très bientôt dès que la bande-annonce est en ligne !