Le dernier disque d'Étienne Brunet est en papier. Acouphènes Parade est un blues aussi déchirant que déchiré. Comme toutes ses réussites passées dans le domaine de la musique, il adopte un ton unique en s'appropriant un style qui n'était pas le sien. Pour franciser le blues il passe à la littérature. Rien d'usurpé : il a bu la coupe jusqu'à la lie, lie-de-vin, devin au passé, au crible et au laminoir du métier. Ça coule des sources. Brunet transcende l'aventure vécue en y mettant les formes. Écrit comme un polar, il tient en haleine, chargée et reprise plus d'une fois avant de sombrer. La perte de son oreille gauche est le résultat d'un long processus, trop de décibels, pas assez d'amour. Le cul n'arrange rien à l'affaire. Comment le blues pourrait-il être autrement que brutal ? En 64 pages il dresse un bilan, désespéré et courageux, isolé et communicatif, qui ne peut être que provisoire. Il annonce ce nouveau disque comme son dernier. Ne dit-on pas toujours que c'est le dernier avant d'entamer le suivant ? Le récit, en effet, ne s'arrête pas là. Brunet a réalisé parallèlement un projet vidéo accessible en ligne, version clipée de son blues inconsolable. Il y a un an je le présentais ici-même et annonçais la publication prochaine de son roman. C'est chose faite, édité à compte d'auditeur aux Éditions Longue Traîne Roll. Il a étoffé son projet transmédia avec de nouvelles vidéos, la musique seule au format mp3, un making of et un blog qui porte le nom de tinnitus-mojo. Tinnitus, perception sonore en l'absence de son extérieur. Mojo, pouvoir magique. Ou comment transformer une catastrophe réelle en création de l'imaginaire.