Il fallait être gonflé pour réaliser en 1970 un film sans tabou sur le milieu homosexuel à New York. Adapté d'une pièce de Broadway au succès imprévisible, Les garçons de la bande (Boys in the band) reprend la distribution de la pièce dont les comédiens sont tous exceptionnels. Produit par son auteur Mart Crowley, le film est un tour de force cinématographique pour le jeune William Friedkin qui tournera French Connection l'année suivante. Mise à part l'introduction présentant rapidement chaque personnage dans les rues de l'Upper East Side et que l'on ne résistera pas à revoir dès la projection terminée, l'action se passe en temps réel dans l'appartement d'un des neuf garçons. Le découpage est à la hauteur des dialogues ciselés et de la qualité de l'interprétation. Une merveille !
Si les personnages pourraient être les mêmes aujourd'hui, les conditions sociales ont changé depuis quarante ans. Il faut imaginer ce que cela signifiait d'être homosexuel en 1967, date où la pièce fut écrite par Crowley. Si cette sortie en DVD par Carlotta tombe au moment du débat sur le mariage pour tous et toutes, les réactions de l'époque étaient autrement plus brutales, au mieux une incompréhension totale. La sexualité des garçons passe au-dessus des clivages religieux, sociaux ou raciaux. Encore que sur ce dernier point le rappel à l'ordre sera particulièrement douloureux. Commencé comme une comédie exubérante, le film glisse doucement vers le drame psychologique, les visages fondant sous la chaleur de l'orage. La critique sentimentale dépasse largement l'inclination sexuelle des boys, même si on a rarement déployé au cinéma autant d'intelligence et de sensibilité sur le sujet. Le film n'a pas toujours été bien perçu, accusé d'Uncle Tomisme ou de stéréotype par les uns, de perversion par les autres. Sa découverte est aujourd'hui époustoufante. Ce film du réalisateur de Killer Joe est un chef d'œuvre qui ravira les amateurs de comédie, queer ou pas.