On me raconte que ce sixième album numérique paru chez GRRR depuis le début de l'année plaît particulièrement aux jeunes auditeurs, entendre par là en-dessous de quarante ans. C'est ainsi, plus on avance dans la vie, plus les jeunes vieillissent… Lorsque j'avais vingt ans, une femme de trente représentait LA femme. Et comme j'ai pu en être amoureux ! Avec le temps, les trentenaires m'ont l'air de gamines… Cela n'enlève rien à leurs qualités humaines ou professionnelles. Lorsque je lis le pédigrée de mes deux camarades de jeu c'est moi qui suis le bambin de la bande, autodidacte avançant tant bien que mal, obligé d'inventer pour pallier mes incompétences.
Fanny Lasfargues et Antonin-Tri Hoang ont une maturité musicale qui leur laisse choisir leur voie au milieu des infinies propositions que le métier pourrait leur suggérer. Ils ont su jusqu'ici résister au formatage que les écoles et les usages imposent. Que dis-je ils ont su, ils ont dû ! Que de mauvaises manières la mode et la critique autorisée voudraient nous faire imiter, tant dans nos vies que dans notre art… Ces agents de la circulation n'ont d'autre arme que de taire ce qui se joue autrement. Toute une après-midi je me suis donc roulé par terre avec Fanny et Antonin comme les enfants rêveurs que nous sommes restés.
Comme les cinq autres albums déjà parus cette année, Animé est un recueil de compositions instantanées qu'il est coutume d'appeler improvisations, mais le terme étant devenu un genre aux mains d'ayatollahs s'interdisant toute mélodie tonale ou rythme soutenu, je préfère léviter, avec ou sans apostrophe, au-dessus de cette mêlée informe où une chatte ne reconnaîtrait pas ses petits. Voilà, tous les coups sont permis, à savoir que la règle est celle de la conversation, où l'on se répond, s'interrompt, s'unit, un art du partage où les critiques sont toujours constructives, parce qu'avant de produire on aime d'abord être ensemble.
Fanny Lasfargues avait apporté sa basse électroacoustique à cinq cordes et une ribambelle de pédales d'effets que je n'ai pas pris le temps de lorgner tant j'étais concentré sur la musique qui se composait dans l'instant. Antonin-Tri Hoang qui avait déjà participé aux agapes de GRRR avec Vincent Segal ou avec Edward Perraud soufflait alternativement dans ses clarinettes ou son alto, et j'attends le jour où je le verrai emboucher les trois à la fois façon Kirk !
Même si je ne l'annonce qu'aujourd'hui, l'album était en ligne le lendemain-même de son enregistrement, comme chaque fois… Lucky Luke de l'édition phonographique virtuelle, j'imaginai les titres et je choisis une photo qui me rappelle le glitch de certaines de nos pièces, distorsion du temps où l'accident renvoie aussi bien à la vie qu'à la mort, l'ambulance et ses sirènes laissant espérer une suite à cette belle plante, le son du pot cassé rappelant notre partie de jonglage où rattraper les balles ou les manquer rapporte le même nombre de points. Cinquante cinq minutes en écoute et téléchargement gratuits comme les 43 autres albums offerts gracieusement sur le site drame.org...