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Les médias ne manqueront pas de déflorer le sujet de Her, le nouveau film de Spike Jonze, aussi oserai-je à mon tour relater le coup de foudre de cet homme pour son Système d'Exploitation. Face à son ordinateur, le personnage joué par Joachin Phoenix, n'est pas différent de beaucoup d'entre nous et ce récit de science-fiction probable dans un futur proche. De ce que nous vivons à ce qu'invente Jonze réside probablement un temps aussi ténu qu'entre avant et après l'avènement du téléphone portable.
En 1989 Luc Courchesne avait réalisé une installation devenue CD-Rom puis module Internet intitulée Portrait n°1 où une belle jeune femme répondait à nos questions de manière interactive. Nous étions tous amoureux de la Québecoise Paule Ducharme. Quelques années plus tard j'avais raté le rendez-vous lors de son passage à Paris chez Pierre Lavoie. Son visage et surtout sa voix restent fixés dans ma mémoire comme Faustine de L'invention de Morel, le fabuleux roman d'Adolfo Bioy Casares.


En faisant doucement glisser le réel vers une fantaisie critique de notre monde de plus en plus virtualisé Spike Jonze réussit son meilleur film depuis Being John Malkovich. La réussite d'une histoire d'amour tient dans de petits détails. Jonze sait identifier nos trébuchements internes comme les aléas de notre relation aux machines pensantes que sont devenus les ordinateurs. Son humour a raison de la perte dont nous risquons de faire les frais si nous n'y prenons pas garde. Le manque à soi renvoie l'amour à cet obscur objet du désir qui nous fait perdre pied, créant un équilibre éphémère qu'il nous faudrait sans cesse remettre en question pour ne pas sombrer dans une histoire qui ne serait plus la nôtre. Fantasme et réalité sont les deux côtés de la même pièce. Alors, pile ou face ? (sortie le 19 mars)

P.S. : Quel drôle de nom que le Système d'Exploitation (duquel sommes-nous les victimes ?), traduction française d'Operating System (O.S. comme ouvrier spécialisé !)... L'article aurait pu porter sur les faux-semblants au milieu desquels nous évoluons, du moins celles et ceux qui sont en mesure de lire ces lignes.