Lorsqu'un ami me demande si je vais bien j'ai la naïveté de croire que ce n'est pas une formule de politesse et lui réponds honnêtement sur l'état de ma santé avant de m'enquérir de la sienne. Il n'en faut pas plus pour que certains me collent sur le dos le costume d'un hypocondriaque, glissement sémiologique qui a le don de m'attrister, mais pas jusqu'à me rendre malade ! J'aurais tout aussi bien pu répondre sur l'état de mes selles pour respecter l'étymologie de la question, mais je risquerais d'être aussi vite traité de scatologue. À noter que les hypocondres sont justement deux régions de l'abdomen situées "sous le diaphragme", toujours l'étymologie ! Les quiproquos de ce genre ne manquent pas dans les relations sociales. On est rapidement catalogué suite à une phrase ou un geste maladroits. Le pire est que ces qualificatifs vous collent illico à la peau, leur émission réductrice étant facilement reprise par l'ensemble d'une communauté. Cela devient alors un travail de titan de s'en défaire. Je me souviens pourtant d'une histoire amusante concernant ma santé : j'ai pratiquement arrêté d'être malade le jour où l'ami médecin qui habitait dans mon immeuble a déménagé. Si j'emporte une trousse de médicaments lorsque je voyage dans des pays lointains où les conditions sanitaires sont quasi inexistantes, je n'utilise que ceux qui sont magiques, à l'efficacité absolue, et n'ai jusqu'ici jamais eu recours à la moindre hospitalisation. En général seuls le rhume des foins, l'asthme et les douleurs lombaires justifient que j'ai recours à la pharmacopée, préférant prévenir que guérir en ayant la vie la plus saine possible. Mon anxiété n'a donc rien de typiquement médical, car mon inquiétude s'exprime sur tous les terrains. J'aurais en effet plus de mal à nier être un inquiet. Frère aîné responsable depuis mon plus jeune âge, j'ai perpétué ce sens du devoir et détestant être pris au dépourvu je préfère anticiper, évitant souvent ainsi les emmerdements. Du moins les miens, pas forcément ceux des autres, bien qu'en personne responsable je me crois devoir soulager leurs maux si j'en ai le pouvoir. Et si j'ai mal, j'ai mal à l'homme, mais cette considération qui concerne l'humanité tout entière est strictement philosophique !