Au Théâtre antique d'Arles faire jouer des musiciens en direct sur les photographies transforme les projections nocturnes en spectacle total. Minuscules sous l'écran de neuf mètres sur neuf, les instrumentistes accompagnent intelligemment les images montées par l'équipe de Coïncidence en servant le propos de chaque photographe ou orateur. Si les sons transforment leur sens, ils l'affinent et rythment la succession des plans devenus film dès lors qu'intervient le montage. Une image se suffit à elle-même, mais en les associant le réalisateur raconte une nouvelle histoire. La dramaturgie entre en scène. La projection implique une théâtralisation. Si une musique s'avère nécessaire, la jouer en direct répond à l'instantanéité de la photographie, tension magique d'un présent partagé.


Devant une foule si dense le silence n'existe pas. De nombreux orateurs savent tenir le public en haleine. D'autres profitent des ressources de la musique pour habiter les espaces muets. On évitera les redondances pour rechercher les complémentarités. Si l'illustration aplatit, l'analyse met en relief de nouvelles constructions. Rien n'est laissé au hasard dans l'inconnu. Impossible de plaquer non plus quoi que ce soit d'arbitraire sans casser l'ambiance. Rechercher toujours l'origine du monde. Chaque artiste a le sien. Le seul arbitre est le projet. Le sujet s'efface devant l'objet.


Hier soir l'agréable montage enregistré du Prix Leica Oskar Barnack ouvrait la deuxième Soirée des Rencontres de la Photographie. Suivaient les dix lauréats du Prix Découverte qu'accompagnait en direct Edward Perraud. Le percussionniste virtuose, qui avait moins de deux minutes pour encourager le travail de chacun, avait choisi de différencier chaque œuvre par une instrumentation ou un mode de jeu différent, avec l'obligation de les servir tous avec le même entrain. L'exercice de style faisait sens, magnifiant le propos de chaque photographe. Si samedi sera révélé le gagnant, celui de cette première partie était sans conteste le musicien !


Après l'entr'acte Jean-Noël Jeanneney présenta les archives du journal L'Excelsior sur la guerre de 14. Magnifiques clichés loin des tranchées, privilégiant le contexte et l'arrière. L'accordéoniste Michèle Buirette soutint l'orateur avec une sensibilité rare, tout en nuances. Elle le suivait, anticipant parfois les mouvements du récit, le dynamisant par des montées discrètes de l'intensité, s'effaçant sous des effets de matière. Pour répondre à la précision des légendes énoncées ou aux traits d'humour spirituels de l'historien la musicienne choisit tantôt le rythme, tantôt une mélodie, voire le silence quand l'heure était trop grave.
Du jongleur ou de l'orfèvre le public sut saisir les facéties et les nuances qui servent avant tout les images, recréées par la magie des associations.