Il est intéressant de revoir treize ans plus tard le petit film que Françoise Romand avait réalisé sur l'exposition Iconoclash organisée au ZKM en 2002 par Bruno Latour et Peter Weibel. Les interrogations sur l'importance des images au travers des siècles n'ont pas changé. La réalité est d'autant plus difficile à cerner que les nouvelles technologies rendent les manipulations de plus en plus invisibles. La critique des images s'exerce au milieu d'un capharnaüm qui brouille les cartes en s'accompagnant d'un storytelling toujours aussi persistant. La simplification tend à faire croire à une complexité camouflant la simplicité des intérêts du pouvoir sur la crédulité des masses. La spirale où nous entraîne notre désir d'apprendre trouve dans l'art une résolution certes plus satisfaisante qu'en politique, mais aussi troublante que dans les sciences. Le point de vue passionnant de Latour se réfère à des siècles de christianisme où les hommes se sont entredéchirés sur ces questions d'images et sur leur destruction. L'effacement est intimement lié au dessin comme la déchirure au dessein.


Iconoclash renvoyait dos à dos les iconophiles et les iconoclastes, sans que les uns se distinguent radicalement des autres, les deux mouvements procédant généralement de la même intention. Si l'inconscient ignore les contraires, la question de l'image ou pas renvoie non à son affirmation ou à sa négation, mais à son sujet, l'image, toujours aussi puissante depuis que les êtres humains s'en sont emparés. La religion, la politique, l'art et les sciences exploitent la crise de la représentation pour fédérer les communautés dans le progrès et la régression. Les artistes exposés, de Rembrandt à Boltanski, sont forcément dans le blasphème ; c'est le rôle de l'art de bousculer les idoles, quitte à les remplacer périodiquement. Les meneurs d'opinion cherchent au contraire à entériner des concepts, à installer des certitudes. Si la fonction des uns est d'interroger ce que l'on voit, celle des autres est d'apporter les réponses avant que l'on ait le temps d'y réfléchir. L'art est bien le dernier rempart contre la barbarie.