Voici deux disques auxquels je ne m'attendais pas. J'ai cru que le premier était du country & western remis au goût du jour et que le second serait pour Papy. Erreur des a priori qui m'oblige à tout écouter pour ne pas passer à côté de disques que je remettrai plusieurs fois sur la platine.
Plus fasciné par le cinéma que par les grands espaces, Le Migou réunit six jeunes musiciens s'affranchissant des étiquettes pour inventer une musique à la croisée du jazz actuel, du blues et de la musique classique française du XXe siècle. Leur instrumentation se prête à ces évocations décalées, mais jamais iconoclastes. Les cordes et les cuivres se passent de batterie qui risquerait de noyer les timbres colorés sous le bruit blanc des cymbales. Le violoniste Quentin Andréoulis, la violoncelliste Aëla Gouvernec, le guitariste Nicolas Frache, le bassiste Pierre Gibbe, la trompettiste Emmanuelle Legros et le saxophoniste ténor Thibaut Fontana qui signe presque toutes les compositions nous font voyager dans un Far West imaginaire, du Kentucky au Colorado en passant par le désert de Tabernas dans la province espagnole d'Almería où furent tournés maints westerns spaghetti. Cette démarche conceptuelle permet d'imaginer que les prochains albums iront piocher leur inspirations sous d'autres latitudes. L'écran large est proche de ceux où se projettent Bill Frisell, le rhythm & blues et les guitares électriques des années 60. California Love est un album de genre comme il y a des films de genre, sans que la personnalité des auteurs s'efface devant l'exercice.




Il y avait longtemps que je n'avais écouté un disque de Richard Galliano, ayant raté ses incartades classiques chez Bach et Vivaldi ou son hommage à Nino Rota. Son New Jazz Musette, comme Astor Piazzolla lui avait conseillé de l'appeler, est un double CD d'une rare sensibilité. Le texte de présentation est maladroit lorsqu'il annonce "se délecter de l'œuvre d'un grand maître, en attendant qu'une autre génération se lève". Comme s'il pouvait ignorer Lionel Suarez, Vincent Peirani ou d'autres jeunes accordéonistes virtuoses ! Heureusement Galliano reste à la hauteur de sa réputation. Son swing intact donne au musette une nouvelle jeunesse, musique du monde populaire et inventive, au même titre que le blues ou le tango peuvent l'être entre les mains de contemporains dépoussiérant la tradition. Entouré du guitariste Sylvain Luc, du bassiste Philippe Aerts et du batteur André Ceccarelli, l'ancien accompagnateur de Nougaro, Barbara, Reggiani, collaborateur de Chet Baker, Eddy Louis, Ron Carter, Wynton Marsalis, Charlie Haden ou Gary Burton, révise les titres qui ont marqué son style sans oublier les défricheurs Émile Vacher, Gus Viseur ou Tony Murena qui ont fait swinguer l'accordéon comme personne. Son jeu puissant et volontaire ne néglige jamais les nuances où chaque note possède sa propre valeur. La nostalgie qui s'en dégage ne se rapporte pourtant pas au passé, mais va puiser des sentiments profonds au cœur de mélodies qui semblent évidentes alors qu'elles sont le fruit d'un travail d'orfèvre.



→ Le Migou, California Love, CD, Grolektif, 11€, sortie le 13 janvier 2017
→ Richard Galliano, New Jazz Musette, 2CD, Ponderosa, dist. Pias, sortie le 17 février 2017