Le temps est plus clément que je ne l'avais imaginé alors que la météo annonce -10°C à Strasbourg. Comme j'ai l'impression d'être ailleurs dans ma doudoune à damier multicolore, je fais attention en traversant les rues qu'un tramway ne m'écrase pas. Je n'ai jamais oublié Gaudí. En tournant la tête complètement, sans faire bouger la capuche qui tient mes oreilles au chaud, mon œil gauche voit à droite et le droit à gauche. Le conducteur aurait néanmoins du mal à ne pas m'apercevoir. Ce sont toujours des Africains ou de vieilles dames qui me complimentent sur mon accoutrement. Je ne m'attendais pas à réunir autant de suffrages, enfoncé dans mon duvet portable qui me fait ressembler à Arlequin, l'éléphant Elmer ou un Rubik's Cube.
Le trajet en TGV n'a duré qu'une heure quarante cinq minutes alors qu'il y a quelques années il fallait quatre ou cinq heures. La frontière est la porte à côté. Sur le chemin de l'hôtel je passe saluer Philippe Ochem qui fête la fin de son festival de jazz dans un bar à bière où nous étions allés avec Birgitte et Linda lorsque nous avions joué La chambre de Swedenborg au Musée d'Art Moderne et Contemporain il y a déjà cinq ans. Chaque membre de l'équipe de Jazzdor a choisi un livre qu'il ou elle a aimé cette année pour fêter les soixante ans de Philippe. Le carton, terriblement lourd, déborde de merveilleuses promesses.
Si ma famille est originaire d'Alsace, je viens toujours à Strasbourg pour la musique ou pour enseigner à l'HEAR (Haute École des Arts du Rhin) que l'on appelait autrefois les Arts Décos, mais qui a fusionné avec l'École supérieure d'art de Mulhouse (Le Quai) et des enseignements supérieurs de la musique du conservatoire de Strasbourg. Toujours invité par Olivier Poncer, cette fois pour les sections Didactique Visuelle, Communication Graphique et Illustration, je commencerai demain matin par "ma vie, mon œuvre", puis je suivrai des ateliers dont le thème est cette année Léonard de Vinci. Notre Machine à rêves est au goût du jour !
En 1983 le grand orchestre du Drame avait créé L'homme à la caméra de Vertov et la pièce de théâtre musical Chambre noire à l'occasion de la première édition de Musica. Nous sommes revenus pour un ciné-concert au MAMC en trio avec Bernard Vitet et le violoncelliste Didier Petit, puis en 2009 l'opéra Nabaz'mob avait occupé la salle historique de l'Aubette pour les Nuits Électroniques de l'Ososphère. Heureusement qu'il y a des festivals à Strasbourg et des étudiants curieux, sinon je me ferais encore plus rare.
Que le centre soit piéton, rempli de jeunes gens à bicyclette, rend cette ville toujours aussi agréable. Le quartier de la Petite France a quelque chose de mystérieux, entre le voyage dans le temps et un parc d'attraction désert. Il faut dire que c'est déjà la nuit. Je marche seul à la recherche d'un Winstub où dîner, mais les restaurants ferment tôt. Celui sur lequel j'avais jeté mon dévolu a totalement disparu. Un trou noir. J'avais heureusement grignoté une flàmmeküeche avec une blonde pression tout à l'heure à L'Abattoir. Le froid a fait chuter la batterie de mon iPhone. Sans repère, je n'avais plus le choix si je voulais manger quelque chose avant d'aller me coucher. La choucroute sera correcte, mais banale. En rentrant à l'hôtel j'ai récupéré un petit plan, à l'ancienne, un qui se plie. J'ai vérifié mon itinéraire pour demain matin en passant par la magnifique cathédrale gothique avant d'enjamber l'Ill.