Je me retiens de répondre à toutes les inepties que je lis sur les réseaux sociaux pour ne pas envenimer le débat. Probablement que j'y replongerai la semaine prochaine. Les élections créent un vide sanitaire entre les fantasmes et le réel, comme si les affaires courantes étaient en pause. Ne connaissant personne à proximité qui vote Le Pen je ne sens pas le frétillement des racistes et xénophobes. Les socialistes perdent le sens de la mesure et les Insoumis se tâtent avec une nette tendance à suivre le mot d'ordre de la jeunesse, "Ni Marine ni Macron, ni patrie ni patron". Devant le Lycée Voltaire, la manifestation qui avançait serrée sur toute la largeur de l'avenue de la République était incroyable. J'ai eu la rare impression de revenir en arrière, un certain 10 mai 1968, ma première manif. J'avais leur âge et je savais ce dont je ne voulais plus sans la moindre idée de ce que nous réservait l'avenir. C'est peut-être la première fois que je retrouve cette détermination. J'ignore si c'est une projection ou une perception encore abstraite, mais cela m'a trotté dans la tête toute la journée, plutôt comme une sensation à fleur de peau.
De toute manière, en dehors des obligations de boulot qui me font toujours travailler du chapeau et des incontournables tâches domestiques, j'ai le sentiment d'avoir la tête vide pour le reste. Le soir, je regarde comme d'habitude un film pour me détendre. Je mène de front plusieurs festivals, le coffret Chepitko Klimov chez Potemkine, le coffret Barbet Schroeder chez Carlotta et la suite de la collection Akira Kurosawa chez Wild Side. Il n'est pas facile d'en parler avant d'arriver au terme de chacun. Idem avec la 5ème saison des Américains ou de la troisième de Fargo qui vient de démarrer. Je peux juste dire que tout cela est fameux, tant les films critiques du régime soviétique du couple russe Larissa Chepitko et Elem Klimov dans les années 60-70 que les polars noir et blanc de Kurosawa tournés entre 1943 et 1970. Quant à Schroeder je suis ravi de les revoir agrémentés de leurs passionnants bonus. J'y reviendrai.
Avec tout cela je ne sais pas du tout quand envoyer l'annonce du concert du 12 mai au Triton avec Sophie Bernado et Linda Edsjö, craignant que le mail passe à l'as à cause des élections. Jean-Pierre Vivante m'avait proposé deux dates, une entre les deux tours et l'autre juste après le verdict. Je pense avoir bien fait d'avoir choisi la seconde. Vous pourrez au moins vous détendre en pensant à autre chose avec nos Défauts de prononciation qui sont plutôt des défis de prononciation tant ils sont nombreux et variés...