Il arrive que je ne sache plus où aller parce que l'horizon est bouché. Je lorgne les grands espaces alors que mes arbres cachent la forêt. La flèche indique la terre, mais je ne rêve que de prendre le large. Les voyages professionnels sont plus nourrissants que le tourisme, fut-il le plus sauvage. S'il s'agit d'un film, il faut comprendre le pays à vitesse V, question de survie parfois. Ce fut mon K. Généralement un fixeur vous y aide. Pour les concerts il suffit de prendre autant de jours off que de soirs de spectacle en tournée. Question de discipline. Rencontrer des populations dont je ne comprends pas la langue est dépaysant. Ce besoin vital de nourriture exotique pimente le quotidien qui se copie lui-même. C'est probablement la raison qui me fait détester me laver les dents et me raser chaque matin, tâches incontournables laissant des auréoles. Alors, qu'elles soient boréales ! La Terre vue de la Lune est mon modèle. Lorsque j'ai tapé ces maux elle était pleine. Coupe. Battre les cartes, pointer du doigt les yeux fermés la mappemonde. On peut tomber près de chez soi, se relever aux antipodes. Les films que je regarde le soir sont des portes vers cet ailleurs momentanément inaccessible. J'envoie des bouteilles à la mer. Parfois le téléphone sonne. Un mail annonce la grande nouvelle. Sortir. Les embouteillages gâchent les week-ends. Minimum trois semaines. Mais il faut bien un moi pour revenir autre. De quoi se faire appeler Arthur. Le terme actuel est zone d'inconfort. Chaque mot a double sens. Il ne faut pas non plus se faire siffler. Les escrocs ont toujours l'air sympathique. Sinon cela ne marcherait pas. J'ai couru. Comment s'en vouloir d'avoir accordé sa confiance ? Ils se reconnaîtront. Pas jojo cette affaire ! Prendre la poudre d'escampette. Direction nulle part. Du moment que l'air est pur...


J'avais l'air, mais il me manquait les paroles. Ce matin je me suis réveillé avec celles de mon prochain album. Cette fois je ne pouvais pas emprunter les mots que Ramuz scande dans Présence de la mort. Son titre fait stupidement fuir. Mon histoire se passe bien au bord du lac Léman. La chaleur y est insupportable. Mes acteurs fouillent les ruines. Ils y trouvent ce qui leur permettra de se reconstruire. Je compte y faire un saut pour enregistrer les sons de ce qui aura été. Et chaque fois qu'un étranger passera par ici je lui demanderai de jouer dans sa langue. Allo Babylone 21 29 ? Puisqu'il n'y a pas de Brigitte ici, les archives de la planète feront leur cha-cha-cha. J'ai rarement pensé faire danser. L'an passé, les spectateurs du festival Château Perché où nous jouions avec Amandine Casadamont se trémoussaient devant la scène. Ce n'était pas intentionnel de notre part. Disons que cela nous a échappé. J'hallucinais. J'ai souvent recherché cet état pour camoufler mon ébriété naturelle. Lorsque j'improvise, je plane littéralement. Jouer pour faire paravent au jeu. L'arbre et la forêt réapparaissent soudain. Et l'orée se dessine.