Pour en arriver là, il avait fallu courir. Courir pour attraper la correspondance à Strasbourg. Notre TGV direct avait été annulé après l'accident de sortie de rails d'un précédent quelques jours plus tôt. Quelques blessés. Déviation. Six minutes pour changer de quai avec armes et bagages. On avait derrière nous les paysages dévastés par les inondations.


Arrivés à Karlsruhe, nous avons loué la personne qui avait eu l'idée géniale de mettre des roulettes aux valises. Direction le ZKM où nous attendait une équipe de choc. Après une première soirée à nous geler les pinceaux dans une salle vitrée immense, inventée par un architecte présomptueux, nous avons commencé à voir et entendre ce dont nous avions rêvé. L'architecte, lui, avait imaginé une île avec de l'eau tout autour ; il y a bien le fossé, mais jamais aucune rivière n'y a coulé. Par contre, les travaux de tous les malins qui ont choisi de construire des complexes culturels autour du ZKM ont fendillé la plate-forme comme si le bâtiment avait vécu un tremblement de terre. Je m'égare. Anne-Sarah rajoute deux écrans sur le côté comme c'était prévu au début. Je fais ravancer et écarter les haut-parleurs qui jusque là ne diffusaient que l'ombre de ma musique. Les grands écrans empêchaient le son de passer, il n'y avait que des basses floutées. Je pousse les aigus au maximum et je retrouve ce que j'ai joué, chaque fois d'une seule prise. À l'avant les quatre écrans principaux sont arrosés par deux vidéoprojecteurs laser...


Pour que cela marche comme Anne-Sarah l'a programmé, nous sommes aidés par Dirk, Werner et Clara qui font des pieds et des mains pour que tout soit en place en temps et en heure. Dirk a plus d'un tour dans son sac pour synchroniser les six écrans...


Il faut voir la mine réjouie de l'artiste lorsque tout fonctionne enfin dans le bureau. Il suffit ensuite d'installer les écrans et de centrer les images. J'écris "il suffit", mais ce n'est pas si simple pour que tout soit raccord. Werner s'occupe des écrans tandis que Dirk contrôle les images depuis son bureau éloigné d'une centaine de mètres. Au moins lui est au chaud, les vitrines ajourées laissant passer certes le son, mais aussi le vent qui souffle sur le Land de Bade-Wurtemberg.


Anne-Sarah entame une danse du feu devant les affiches du ZKM. La nôtre est encadrée par celle du Bauhaus et le prochain niveau du Game Play ! Sur ma photo on ne voit pas celle qui revendique le Female Pleasure, un poing levé les ongles vernis de rouge. C'est évidemment le vermillon qui a donné son titre à Omni-Vermille.


Il restait encore une journée pour relever quelques petits challenges techniques comme Dirk appelle les derniers problèmes à régler pour être prêts pour le vernissage qui a eu lieu le troisième soir après notre arrivée... Le résultat est somptueux. Nous pouvons aller nous coucher. Demain soir, Anne-Sarah a un autre vernissage, exposition collective Fragilités à La Ruche, Paris XVe...