Comme tout le monde, du moins les musiciens ayant à faire avec l'électronique, je possède une collection de multiprises que j'enfiche les unes dans les autres pour gagner un peu de place dans le placard. Alors j'aime bien la sculpture vernaculaire de la pochette du CD de Quentin Rollet et Romain Perrot qui ressemble à l'un des robots qu'on envoie sur la Lune. Elle a quelque chose d'un peu agressif comme la voix kobaïenne de Perrot qui rappelle les films de science-fiction d'aujourd'hui dont l'incontournable brutalité gomme souvent la poésie. Je pense à Upgrade projeté hier, film plein de bonnes idées, sorte de mix entre Blade Runner, Matrix et Videodrome, mais banalisé par la violence et l'hémoglobine.
S'il se rapproche de Throbbing Gristle ou du Double Negative de Low, l'album L'impatience des invisibles n'a rien de banal. Il va néanmoins puiser son inspiration du côté de l'homme-machine, androïde musical où les saxophones de Rollet sont les vestiges d'un autre siècle, libertaire pour ne pas dire libre. Les glitches décapants et autres parasites des synthétiseurs actuels, comme laissés à eux-mêmes, prisonniers d'une technologie qui se court après sans se mordre la queue, évitent les sons Kleenex tout en laissant penser que le souffleur n'est pas prêt d'être remplacé. Le duo Rollet-Perrot livre ainsi un disque dystopique, gravé au papier de verre, qui finit par s'envoler en apesanteur sur une Voie Lactée à la crème plus rayée que fouettée. C'est pourtant bien la nuit qui règne. L'impatience des invisibles rend ainsi indispensable une seconde saison où la lumière jaillirait du court-circuit !

→ Quentin Rollet & Romain Perrot, L'impatience des invisibles, CD ReQords, sur Bandcamp, 7€ ou 10€