Si le premier envoi s'est égaré, entendre qu'il a fait le bonheur d'un postier indélicat, j'ai réussi à récupérer le second à la Poste des Malassis. Les vinyles ne rentrant pas dans les boîtes aux lettres homologuées et les lettres, contrairement aux Colissimo, ne possédant pas de numéro de suivi, c'est chaque fois une galère, d'autant qu'il faut que je fasse un bon bout de chemin jusqu'à l'une des succursales et la queue pour que l'on me réponde qu'on m'appellera lorsqu'ils auront retrouvé l'objet !
Lorsque je dis que le premier envoi a fait le bonheur d'un postier indélicat, c'est à prendre au pied de la lettre (non suivie, on l'a déjà dit). Sous une belle pochette de Robert Combas qui s'ouvre sur deux autres peintures, se cache un projet du saxophoniste Lionel Martin et de Bertrand Larrieu en charge des prises de son. Solos a été enregistré in situ dans des lieux publics : sous un pont à Goussainville, dans le métro à Paris, les champs de la Beauce, le long de la Loire... Or le paysage s'imprime sur les compositions overdubées (les saxophones et la batterie joués par Martin se superposent pour composer un petit orchestre où Larrieu s'ajoute, synthé, batterie et surtout le mixage). Arthur Rimbaud y va de son "Je est un autre" pour souligner la schizophrénie de l'exercice. Et le temps de laisser passer les nuages, puisque, enregistrés en 2019, Introduction Vibration, Fiction, 11h13 Éternité et Réalité ont été retravaillées l'année suivante. La face B du vinyle se clôt sur un morceau technoïde, La chute Hello Mr Gaga. Mais toutes les pièces sont chantantes et peut-être dansantes, or comme je ne suis un empoté je fais banquette pendant que les filles se trémoussent. En tout cas, c'est soigné et l'ensemble, pour une fois, justifie vraiment le format.


Dans le même paquet était glissé un CD live de l'anthologie Louis Moreau Gottschalk, précurseur du ragtime et du jazz, intitulée Jazz before Jazz 2 que Lionel Martin partage avec le pianiste Mario Stantchev. On retrouve les influences diffuses du new orleans que j'avais chroniquées il y a 5 ans. Mais là c'est en concert, un plaisir qui se perd par temps de confinement débile où l'on a le droit de s'entasser dans le métro, mais pas de garder ses distances dans une salle de spectacle. C'est frais, à la fois historique et moderne. Gottschalk a écrit toutes ses pièces entre 1842 (il avait 13 ans) et 1869 (il est mort à 40). Le duo leur instille un élixir de jouvence.

→ Lionel Martin, Solos, LP Ouch!Records, 24€ (version numérique sur Cristal Recods)
→ Mario Stantchev & Lionel Martin,Jazz Before Jazz 2 - Live at Opera Underground, CD Ouch!Records, 7,99€