J'écoute plein de trucs super en ce moment. Que faire d'autre le soir lorsqu'on est seul, cloîtré par la faute des nuisibles qui nous gouvernent à part lire ou regarder des films ? Inutile de rappeler les albums que j'ai récemment chroniqués dans cette colonne. Par exemple, à l'instant vous pourriez entendre Dimensioni Sonore: musiche par l'immagine sonore et l'immaginazione, coffret de 10 CD de Ennio Morricone & Bruno Nicolai de 1972, réédité en 2020 (tirage limité à 200 ex.). Cinq chacun. Si l'autre coffret de 10 CD, tout aussi rare, The Ennio Morricone Chronicles (tiré en 2000 à 500 ex. avec, entre autres, plus d'une centaine d'arrangements de chansons populaires), m'avait épaté, ses pièces contemporaines ne m'avaient pas convaincu. Je dois aujourd'hui réviser ma position. Ces pièces orchestrales conçues ici comme un catalogue de musique illustrative sont inventives, surprenantes, sans que l'on ressente pourtant le besoin d'images. Le compositeur romain a bouleversé l'histoire de la musique de film, mais il a aussi validé l'intégration d'instruments populaires comme la guitare électrique, l'harmonica ou la guimbarde à l'orchestre symphonique.


Excellente idée de l'avoir associé à son ami très cher, Bruno Nicolai, autre spécialiste des western spaghetti et des giallo. Leurs compositions à tous deux sont épatantes, musique évocatrice débordant d'imagination sans que l'invention n'empêche la théâtralité, orchestrations vivantes rappelant parfois l'improvisation ou anticipant les répétitions de l'électro.
Je me souviens de l'émotion de ma fille qui chantait Micaela dans l'adaptation de Carmen par l'Orchestra di piazza Vittorio au Teatro Olimpico di Roma lorsqu'elle apprit que Morricone était assis avec sa femme au troisième rang ! C'est probablement l'un de ses souvenirs les plus renversants, avec l'enthousiasme de Robert Wyatt pour sa reprise de Alifib. Il est dommage qu'il n'y ait aucune trace publique de cette version musique du monde de l'opéra de Bizet, l'arrangement de Leandro Piccioni, pianiste soliste de Morricone, et Mario Tronco prenant des libertés forcément séduisantes pour le maître !...


Mon euphorie ne se tarit pas en découvrant les dix CD des deux amis romains qui ont souvent collaboré. Nicolai est mort à 65 ans en 1991, Morricone l'a rejoint il y a six mois à 91 ans. Qui pourrait prendre la relève si ce n'est les jeunes musiciens qui font fi des étiquettes et construisent sans cesse des nouveaux mondes ? À condition que la gestion de la crise ne les assassine pas corps et biens.
Auparavant j'avais profité d'une ribambelle d'excellents albums parus récemment. On en parle bientôt...