Lorsqu'un film me donne envie de voir ou revoir tous ceux de son auteur c'est parti pour quelques réflexions et un festival dédié que je projetai sur le grand mur blanc retrouvé après mon tour de France. Dennis Hopper a évidemment marqué ma jeunesse lorsqu'en 1969 je découvris Easy Rider, icône d'une génération de hippies biberonnés aux Byrds, Steppenwolf et Jimi Hendrix. Je me souviens l'avoir cité avec Solo de Jean-Pierre Mocky lors de l'entretien du concours de l'Idhec qui me valut d'y entrer en fanfare. J'appris plus tard sa passion pour l'art contemporain que collectionnait Dennis Hopper, mais je n'avais jamais vu le pol-art Backtrack a.k.a. Catchfire où il se sert de sa propre collection comme décors, le film contant l'aventure d'une artiste conceptuelle, témoin d'un meurtre, pourchassée à la fois par la pègre et la police. Les bonus du Blu-Ray reviennent sur la place de l'art dans la vie du réalisateur qui avait acheté très tôt des œuvres de Jean-Michel Basquiat, Keith Haring, Rauschenberg, George Herms ou Georgia O'Keeffe, et ici Ed Ruscha, les découpes de Laddie John Dill, les néons dans le sable de Chuck Arnoldi et surtout les tableaux textuels lumineux de Jenny Holzer attribués au personnage de Jodie Foster. De plus, la maison dans laquelle elle vit est la première construite par Frank Gehry et commandée à l'origine par Hopper, qui filme aussi sa propre salle de cinéma à Taos ! Plus qu'un film policier, Backtrack, director's cut enrichie de 16 minutes du film commercialisé à sa sortie, est une introspection de l'artiste et une histoire romantique entre deux êtres que tout semble opposer. En passant, je suis ravi d'entendre Hopper raconter que Bruce Conner est son cinéaste préféré. J'ai souvent affirmé que si je ne gardais qu'un seul film, ce serait A Movie (12 minutes à découvrir en cliquant sur le titre) ! C'était probablement avant la sortie des Histoire(s) du cinéma de Godard.


La distribution des acteurs est tout aussi étonnante puisqu'y figurent, outre Hopper et Foster dans les rôles principaux, Joe Pesci, Dean Stockwell, Vincent Price, John Turturro, Fred Ward, et en apparitions Bob Dylan, Catherine Keener, Charlie Sheen et Alex Cox ! Image d'Ed Lachmann, musique de Michel Colombier. Malgré les difficultés de production rencontrées et le côté bancal de l'intrigue, Hopper réussit à faire swinguer l'ensemble, même lorsqu'il s'accroche à son sax ténor, perdu, désespéré. Emballé par le ton personnel du film où Hopper traite donc à la légère les ressorts de la poursuite pour privilégier le syndrome de Stockholm et la fragilité du héros, en projetant une transposition de sa propre vie, j'ai aussitôt programmé The Last Picture Show et Colors vus il y a trop longtemps...

→ Dennis Hopper, Backtrack a.k.a. Catchfire, DVD (2 versions) / Blu-Ray (montage Director's Cut en exclusivité sur l'édition Blu-ray) Carlotta, 20€