La Volte, éditeur entre autres d'Alain Damasio et Sabrina Calvo, publie un coffret de 6 CD de Denis Frajerman autour de l'œuvre du romancier Antoine Volodine, accompagnés d'un petit fascicule. En outre un code permet de télécharger l'ensemble des 6 albums si on souhaite en profiter dématérialisé (sauf que cela ne marchait pas quand j'ai essayé).
Chronologiquement tout commence avec Quatre poèmes en prose d'Antoine Volodine enregistrés en 1994 pour France Culture. Treize minutes où l'auteur est accompagné par Frajerman (bandes, claviers), Régis Codur (gt), Eric Roger (tpt), Jacques Barbéri (sax a), Emmanuelle Franz (vl), Aurore Pingard (vlc), Hervé Zénouda (zarb), Aline Lebert (voix), musique de scène radiophonique où percussions mélodiques et petite fanfare soutiennent les roulements d'r de l'auteur féérisant.
Quatre ans plus tard, sur fond de bestiaire et d'ambiances forestières dignes de Brocéliandre, les Suites Volodine produisent des rythmes incantatoires, terme que j'ai souvent utilisé pour la musique de Frajerman, timbres rappelant le groupe Third Ear Band ou certains disques d'exotica. À Frajerman, Codur, Barbéri, Roger et Zénouda se joignent Sandrine Bonnet (perc, voix) et Marc Resconi (tb) pour cette heure purement instrumentale.
An 2000, Des anges mineurs, oratorio post-exotique, à peu près même durée, convoque le récitant, cette fois sans roulements ajoutés, mais l'orchestre constitué de Frajerman , Barbéri plus Carole Deville (vlc), David Fenech (gt), Hélène Frissung (vl), Daniel Palomo-Vinuesa (sax bar) et Laurent Rochelle (cl bs) s'impose, boucles répétitives où s'accrochent les sons animaliers des instruments. L'ombre de Moondog plane sur ce minimalisme dont l'ambiance s'inspire évidemment des textes de Volodine.


Encore quatre ans plus tard, nouvelle production France Culture, Vociférations cantopéra avec Volodine, Barbéri, Frissung, Deville, Palomo-Vinuesa auxquels Frajerman ajoute Stephano Cavazzini (batterie), Keny 2 (sampler), Fanny Kobus (va), Lise N (murmures), Géraldine Ros (chant). Plus électro, plus fantômatique, entraînant, les boucles parfois de différentes longueurs se désynchronisent pour créer la meute. Volodine est envoutant, la poésie circonlocutoire inspire l'abstraction musicale, leur cousinage profite à l'une comme à l'autre...
En 2015, la petite famille s'est dispersée. Pour Terminus radieux, cantopéra, dont le texte a valu le Prix Medicis à l'auteur, Denis Frajerman joue des guitares avec la violoncelliste Carole Deville et deux mezzo-sopranos, Émilie Nicot et Justine Schaeffer qui dit ce texte plus descriptif comme une Madame Loyal, plus difficile à suivre aussi, malgré l'accompagnement, entre évocation médiévale et néoclassicisme minimaliste à la Philip Glass, sorte d'heroic fantasy que Volodine appelle post-exotisme.
En 2020, sur Les fugues Volodine Frajerman retrouve son ambient ensorceleuse qui manquait au précédent. Il multiplie les instruments tandis qu'Anja Frajerman est aux claviers et que Laurent Rochelle joue des anches et assure les arrangements. Des extraits sonores nous plongent dans un passé cosmopolite. Plus d'ordinateur, ni échantillonneur, ni séquenceur pour cette évocation instrumentale qui clôt cette saga opératique.
J'ai tout écouté dans la foulée, deux journées, ce n'est pas Bayreuth, mais ça se tient, du début à la fin !

→ Denis Frajerman & Antoine Volodine, Variations Volodine, 6 CD + 1 livret bilingue français-anglais de 64 pages, ed. La Volte, 35€, sortie en librairie le 20 janvier 2022