[À la fin du siècle dernier] je passai une semaine de rêve sur l'orgue de la Cathédrale de Stuttgart pour un ballet qui ne vit jamais le jour. L'interrogatoire que je dus subir en amont de la part des hautes autorités écclésiastiques restera un moment d'anthologie surréaliste dont je me sortis plutôt bien, sans tricher mais répondant sur le fil du rasoir. Je composai ma partition en répertoriant tous les tuyaux produisant des sons incongrus. De ce voyage ne me restent que quelques cartes postales du Ballet triadique d'Oskar Schlemmer (1923) et chaque fois que je regarde ces images une foule de pensées m'envahit. J'imagine des sons inouïs proches de Maurizio Kagel et une chorégraphie cinétique dont je n'ai jamais eu l'occasion de voir aucune reconstitution. J'en ai néanmoins trouvé un petit extrait sur YouTube :


Marc Boucher, en citant Mathématique de la danse (1926) donne corps à mes rêves : "Songeons aux possibilités que nous permettent d’envisager l’extraordinaire progrès technologique d’aujourd’hui, tel que représenté par les instruments de précision, les appareils scientifiques de métal et de verre, les prothèses, l’habit fantaisiste du scaphandrier ou l’uniforme du militaire. Imaginons ensuite que ces produits, qui sont au service des fonctions rationnelles à une époque aussi fantastique et matérialiste que la nôtre, puissent être appliqués au domaine inutile de l’art. Nous obtiendrons alors plus de fantaisie que ce que l’on retrouve dans les visions de E.T.A. Hoffman ou dans celles du Moyen Âge". Attaché au geste instrumental, j'imagine un jour pouvoir revêtir un costume qui ait la fonction d'interface pour contrôler mes sons et ma musique tout en faisant jaillir la lumière du tableau vivant.

Article du 23 mai 2009