Grand-père de garde en région nantaise, j'en profitai pour déjeuner avec Matthieu Jouan, directeur de publication de Citizen Jazz, la meilleure revue dans le domaine, qui plus est, gratuite et en ligne. Comme j'avais du temps avant et après et qu'il faisait beau, j'en profitai pour arpenter les rues et humer l'atmosphère nantaise, sans me soucier d'où j'allais, si ce n'est à chercher un magasin où acheter des attaches parisiennes pour les Tanukis d'Eliott. Attaches parisiennes ? C'est bien de cela dont il s'agit. Je me demande si je ne devrais pas déménager ici, proche de l'océan, et d'une partie de ma famille. Qu'est-ce qui me retient aujourd'hui à Paris ? Les amis qui passent évidemment, parisiens et voisins, mais aussi provinciaux comme Elsa et Nicolas qui ont des concerts en région parisienne cette semaine, étrangers comme Jonathan qui est là jusque début août... J'ai conçu la maison pour y vivre et travailler, accompagné de préférence. Si je bougeais, le studio GRRR renaîtrait ailleurs. Ce ne serait pas la première fois, mais probablement la dernière. Je monterais à Paris pour des expositions ou voir celles et ceux qui y seraient restés. Je ne profite plus de la capitale au quotidien depuis des années. On peut maintenant se faire livrer à peu près tout presque partout. Dans les grandes métropoles la pollution me chatouille le nez. La nature ma manque. Parfois, même là, je fais le touriste, traversant la Seine ou vagabondant au Père Lachaise. Mais la question intime me laisse perplexe. Cette incertitude fait osciller la balance entre ses deux plateaux. Je ne sais pas qui de la charrue ou des bœufs trace ma route. Porté par ma rêverie, je tombe par hasard sur le Passage Pommeraye. Comme si je pouvais venir à Nantes sans penser à Jacques Demy, à Lola, à Une chambre en ville...


Cela remonte à loin. Avant la naissance d'Elsa. Je me souviens l'y avoir prise en photo lorsqu'elle avait neuf ans. Elle connaissait par cœur les dialogues et les chansons des Demoiselles de Rochefort qu'elle faisait interpréter à ses poupées, casting de luxe pour des souvenirs ineffaçables.


Plus tard, à l'occasion d'un concert au Pannonica, nous y avons posé avec Antonin-Tri Hoang et Vincent Segal. Le passage a quelque chose de féérique. En dehors du temps.


Voilà donc où j'en suis. Une volée de marches qui donnent le vertige si je m'y penche. Des passerelles vers l'avenir qui retournent cruellement sur mes pas. Des statues figées dans le passé qui se retrouvent la nuit pour l'évoquer et reprennent la pose chaque matin. Des débouchés surprenants dès que l'on quitte les références. Et puis la lumière. Un ailleurs prometteur. À quel rite de passage devrais-je me plier ? Où mon cœur me mènera-t-il ? Dans quel ordre installer mon désordre ?