[Je suis tombé] sur deux fascicules que l'on ne pouvait évidemment trouver que dans un pays où les originaux n'existent pas. Les éditions du Monde, de Libération ou du Figaro y sont toutes des photocopies agrafées. Y a-t-il seulement un livre qui ne soit pas copié et broché sur place dans le sud-est asiatique ? Les DVD coûtent 1 dollar, pirates en vente le lendemain où les blockbusters sortent aux États Unis, lorsque ce n'est pas quelques jours avant ! Si l'industrie culturelle américaine reçoit la monnaie de sa pièce, impérialisme oblige, le manque à gagner peut s'avérer crucial pour les éditeurs qui produisent des œuvres ayant rapport direct avec ces pays. De même qu'aucun CD de musique arabe produit en France n'est vendu dans le Maghreb, aucun film de Rithy Panh n'existe au Cambodge autrement que sous cellophane à 1 euro. Les héritiers de Hergé étant réputés pour leur âpreté, il était logique de trouver des détournements de Tintin dans l'un de ces pays défavorisés qui se moquent des droits d'auteur. Les éditions Farang (étranger en thaï) offrent ainsi deux inédits savoureux, Tintin en Irak et Tintin en Thaïlande. Là où cela devient délirant, c'est que ce sont elles-mêmes des copies des pirates originaux. Tintin en Irak, à l'origine en couleurs, est reproduit ici en noir et blanc. Même les pseudos de Youssouf avec l'aimable collaboration de NQP et Victor ont disparu. Idem avec Tintin in Thailand, pirate anglophone de la parodie de Bud E. Weyzer. Véritable histoire d'arroseur arrosé.


Paru en 2000, l'album en Thaïlande est une excellente analyse critique du tourisme sexuel où Tintin retrouve Chang, on pouvait s'en douter. C'est aussi un pied de nez permanent aux ayant-droits de Moulinsart fustigés à longueur de pages. Les dessins en noir et blanc rappellent parfois l'art brut et l'aventure est savoureuse, fidèle représentation des us et coutumes locales.




Tintin en Irak est beaucoup plus intéressant dans son propos. Détournement de vignettes extraites de différents albums parmi les 24 autorisés (il en existe une foule d'illégaux), l'album se moque allègrement de l'incohérence de la politique française et du cynisme de l'impérialisme américain. On est proche des détournements situationnistes.

Article du 15 mars 2011