Cochon qui s'en dédit est un film gore si j'en juge par la définition qu'en donne le Petit Robert, « qui suscite l'épouvante par le sang abondamment versé ». Il ajoute « La drôlerie du gore vient de l'excès ». Le film est infesté de gorets à en vampiriser le jeune éleveur breton enfoncé dans un cauchemar de productivité dont les cadences infernales le mènent forcément à la catastrophe. L'allégorie porcine renvoie à l'aliénation de l'homme dans la société industrielle qui l'aspire dans une spirale où règne la confusion jusqu'à lui faire perdre ses repères. Il finit par faire corps avec la machine qui le broie, avec ses bêtes qu'il nourrit et saille dans un cycle pasolinien où le sexe et la merde finissent par tout submerger. En compléments de programme de ce remarquable DVD Jean-Louis Le Tacon filme L'homme-cochon, 20 ans plus tard dans les ruines de la porcherie avant que le cancer ne l'emporte. Un atelier pédagogique à l'EESI de Poitiers avec Patrick Leboutte lui permet de revenir sur sa démarche, empruntée à Jean Rouch, ici plus ethnographie partagée que cinéma-vérité au vu des libertés qu'il s'octroie en filmant en Super 8 l'éleveur qu'il aide activement pour le rembourser du temps qu'il lui vole avec son tournage. Cochon qui s'en dédit participe pleinement à la collection éditée par les Éditions Montparnasse qui ont déjà publié de passionnants coffrets sur le cinéma militant de mai 68, mais, par cette folie qu'il mit en scène en 1980, dépasse l'imaginable pour atteindre à la banalité cruelle de ce qu'est devenue notre époque. En comparaison, ses Bretonneries pour Kodachrome représentent une satire gentillette des us et coutumes folkloriques de la Bretagne. Le Tacon montre une forte compassion pour les sujets qu'il filme de la manière la plus critique. N'empêche que les images démentes, réelles ou fantasmées, resteront longtemps gravées dans notre mémoire comme autant de signes terribles de ce qu'a pu produire l'absurdité économique et sociale du capitalisme.