On finirait par culpabiliser d'être partis une semaine. Déjouons donc les piques de certains de mes camarades à mon évocation de vacances alors que tant de compatriotes sont dans l'incapacité financière d'en prendre. Agiter la crise à tout bout de champ est dangereux tant le capital s'en sert pour licencier à tour de bras et les instances gouvernementales pour réduire ou supprimer les aides indispensables à maints secteurs d'activité, santé, éducation, culture, etc. Même si elles empirent, la misère, les inégalités ne sont hélas pas phénomènes nouveaux. Pour autant, mes bienveillants contradicteurs doivent assumer leurs choix, prises de risques, comportements inconséquents, accidents qu'il serait douteux de comparer à la catastrophe touchant les SDF ou les toujours trop nombreuses familles vivant sous le seuil de pauvreté. Rappelons que, plus loin, sous d'autres tropiques, cette pauvreté pourrait être chose enviable, considérée comme une richesse. La famine qui sévit sur la planète justifie-t-elle que l'on n'ose plus parler cuisine, salaire ou chômage ?


Passé cet avertissement, me voici libre d'attaquer mes huîtres à 5 euros la douzaine, rien de scandaleux, j'espère, si ce n'est l'interdiction préfectorale faite aux ostréiculteurs du Bassin d'Arcachon d'en faire commerce tant que la mort rôde autour des coquillages. Le test fatal consiste à injecter mollusque sur mollusque à une souris jusqu'à ce qu'elle en crève. Si j'imagine qu'une vingtaine d'huîtres puisse avoir parfois raison du petit rongeur, combien de douzaines devrais-je en ingurgiter pour aboutir au même résultat ? Il est des allergiques au sein de toutes les familles de mammifères, me semble-t-il. Les ostréiculteurs en colère bravent l'interdiction, demandent de remplacer les souris par des rats et continuent de ravir nos papilles, qu'on savoure les huîtres nature, avec un filet de citron, au vinaigre-échalote, avec ou sans pain beurré. Certains recommandent néanmoins d'accompagner prudemment la dégustation d'un verre de vin blanc.
Au moment de publier ce billet, nous avons déjà regagné nos pénates. Les vacances furent courtes, mais délicieuses. Nous goûtâmes pour la première fois filets de vive et de baliste en regardant s'ébattre pinsons, rouge-gorge, geais et mésanges... Je ne fus hélas jamais assez prompt à saisir mon appareil pour photographier les écureuils fous qui dévorent méticuleusement les pommes de pin sans nous laisser un seul pignon à nous mettre sous la dent.