Face aux pratiques honteuses qui régissent leur sphère professionnelle, nombreux préfèrent se taire ou s'en ouvrir "off the record", préférant le plus souvent m'envoyer un mail privé que laisser un commentaire public. Les souffrances sont muettes et on en crève (cf. mes deux articles sur Albert Ayler). Les salariés d'Orange, que l'entreprise nomme France Telecom pour ne pas ternir son image, en savent quelque chose. Le secteur de l'enseignement compte ses morts. Partout règne la terreur, car la solidarité s'est évanouie au profit de luttes catégorielles privilégiant les revendications pratiques au débat de fond. L'éthique a vécu.
Dans le milieu artistique certains évoquent leur amitié pour justifier de ne pas prendre position. À quoi sert un ami si ce n'est tirer la sonnette d'alarme en cas de grave dérive de celles ou ceux que nous aimons ?
Si j'ose écrire "tous les mots qui sont tus et tous les cris qui tuent", je le dois à la distance prise avec les attitudes sectaires des milieux traversés qui me firent souffrir lorsque j'étais plus jeune. De se taire, ils se terrent, les aigreurs les engloutissant avec l'âge. J'ai la chance de dire tout haut ce que nombre pensent tout bas, facilitée par un modeste accès aux médias. L'utiliserais-je comme une psychanalyse ? Mes souffrances se dissiperaient-elles de pouvoir les exprimer ? Cela y participe certainement. Si ce n'était le cas, mon journal impudique me vaut suffisamment d'insultes et de menaces pour que je m'en inquiète au lieu de m'en moquer.
Avec un coup de pouce des thérapeutes du dos, je continue à vivre debout. Je veux me regarder dans la glace sans craindre les rides ni faire des grimaces. Ma révolte me fut dictée par la devise de mon pays apprise à l'école : sans liberté, sans égalité, sans fraternité, qu'espérons-nous ? Je ne suis que le produit de cette révolution historique qui devint permanente à l'orée de celle de mes quinze ans. Comprenant qu'elle devait s'exercer au quotidien, à notre petit niveau, avant d'espérer changer le monde, j'ai décidé d'agir dans un combat de proximité, dans ma pratique d'abord, en l'exprimant ensuite. Je serai d'autant plus armé contre les leurres de ce que l'on appelle abusivement la démocratie, une manipulation honteuse des cerveaux disponibles. Continuant à rêver, je n'ai pas désarmé face à la bêtise et à la méchanceté, au gâchis et à l'ignorance. La seule différence, ma colère est devenue sereine, je ne suis plus énervé, mais déterminé.
Quel que soit notre âge, souvenons-nous de pourquoi nous combattions et demandons-nous ce qui a changé !

P.S.: je tiens à préciser que je ne pensais à personne en particulier tant vous avez été nombreux à m'envoyer des messages de sympathie. Mon intention n'était pas non plus de critiquer votre discrétion que je comprends fort bien vu les positions que vous occupez... Encore merci pour tous vos commentaires et courriels "off the record" qui me touchent sincèrement.