Dans la nuit de samedi à dimanche nous allons passer une fois de plus à l'heure d'hiver. La simple gymnastique de comprendre s'il faut reculer ou avancer les montres bouleverse mon métabolisme déjà perturbé par les soubresauts saisonniers. Que l'on allume et que l'on éteigne le chauffage une semaine sur deux me donne chaque fois mauvaise conscience. Pourtant, qu'il pleuve ou qu'il vente, que le soleil ou la brume enveloppent le quartier comble mes aspirations de jardinier. Aurait-on cassé la machine à redescendre le temps ? Avant ce choix mécaniste j'aimais sentir la nuit s'allonger par petites touches glissantes. De prétendues économies d'énergie justifieraient ce saut brutal. C'est sans compter notre rythme biologique. Qu'il n'y ait plus de saison est un choix qui incombe bien à l'humanité. S'il faut attendre six mois pour remettre les pendules à l'heure ce jetlag horloger sonne irréversible. Les saisons deviennent affaire de calcul au lieu de nous apprendre à vivre avec la nature. Le changement d'horaire a le même goût que les poissons carrés. Pendant que j'écris ces lignes je me laisse porter par les ragas jazzy qu'Étienne Brunet a mis en ligne sur Bandcamp. Le temps s'écoule inexorablement sans à-coup. Pourtant dimanche matin les dormeurs penseront avoir gagné une heure. Les machines connectées aux satellites auront seulement bégayé pendant leur sommeil. Elles dictent chaque jour un peu plus nos faits et gestes. Plus besoin de montre ! Le planning est calé. Tout est orchestré. Qu'il est pourtant doux d'oublier le temps ? Et comment jouir de l'espace ? Sans alarmes béquilles, sans garde-chiourme informatique, sans obéir aux choix absurdes d'une technocratie qui compte sur ses doigts ? La question ne se poserait pas si vous n'étiez pas à même de me lire. Le ciel est devenu une vue de l'esprit. Peut-on y deviner encore les ailes d'une chauve-souris en regardant les nuages se faire et se défaire ?