Aux prochaines élections municipales je figure sur une liste électorale sans étiquette (soit sans parti ni mouvement pour la téléguider). Comme il est difficile de changer le monde de là où je suis, et malgré mes efforts incessants depuis plus de cinquante ans, il me reste le combat de proximité, histoire de participer à l'amélioration de la vie de mes voisins et concitoyens.
Enfin, pas tous mes voisins, car malgré l'environnement particulièrement sympathique du quartier où je compte quantité d'amis, je suis pris en sandwich par deux vilains qui n'ont de cesse de me pourrir la vie. Pas qu'à moi : ils sont abonnés à la méchanceté envers leurs congénères et ne vivent que pour emmerder le monde. J'ai fini par m'en faire une raison, et à regarder leurs manigances avec détachement. Jacques Brel disait "qu'il n'y a pas de gens méchants, il n'y a que des gens bêtes". Cela n'est pas gentil pour les animaux. Je raconte cette histoire de voisins malintentionnés juste pour signaler que je comprends les personnes qui votent contre leurs intérêts de classe, celles et ceux qui se laissent "acheter" par le maire sortant ou par les promesses de ceux qui s'y voient déjà, et puis ceux qui en croquent ou en ont croqué et que cela ne gêne pas de se représenter à la mairie de la ville la plus endettée de France ! Le maire actuel fait porter le chapeau à son prédécesseur, mais tente de faire oublier que la Cour des Comptes vient de l'épingler en soulignant que la dette s'est considérablement accrue sous sa mandature. En tout cas, s'intéresser à la gestion de sa ville est passionnant. On y découvre un clientélisme récurrent, un nombre ahurissant d'emplois fantômes et une tambouille qui au mieux ressemble au marché de l'emploi.
J'ai donc d'excellentes raisons de soutenir la liste menée par Edouard Denouel qui est le seul candidat de gauche à n'avoir jamais été élu, ni maire ni adjoint, et donc à n'avoir jamais trempé dans aucune combine, en particulier dans des affaires immobilières qui ont transformé Bagnolet en ville de béton. Il y a cinq ans je m'étais investi dans la liste du Front de Gauche, mais celle de Bagnolet en Commun est d'un autre niveau. Au lieu d'évoquer alors exclusivement la sécurité et la propreté comme les autres candidats, les réunions sont passionnantes lorsqu'il s'agit par exemple d'éducation, de santé ou de culture. Au départ je pensais soutenir les efforts de La France Insoumise, mais la direction nationale a imposé à ses militants Raquel Garrido, l'épouse de notre député Alexis Corbière, ceux-ci refusant le vote pour désigner le meilleur candidat. Ce putsch, qui me rappelle les agissements du Comité Central, a fait fuir presque tous les militants qui ont décidé de continuer leur liste sans parti, sans mouvement, sans étiquette. Des écologistes, des socialistes, des communistes et surtout nombre de citoyens non organisés comme je le suis ont rejoint Bagnolet en Commun. Nous ne voulons plus d'une ville gérée à distance par des instances nationales. De son côté, après une tentative infructueuse de se rapprocher des Verts qui l'ont envoyée aux pelotes, la chroniqueuse de l'émission Balance ton Poste ! présentée par Cyril Hanouna (incroyable, mais vrai) s'est acoquinée avec le PCF dont la liste est menée par Laurent Jamet, ancien adjoint de Marc Everbecq, le maire qui a mis à genoux Bagnolet et qui a le toupet de se représenter, probablement prêt à se désister pour une liste qui lui offrirait quelques avantages professionnels si elle remportait la mairie. C'est cocasse si l'on se souvient du flot d'insultes déversé par ces mêmes communistes sur Mélenchon et La France Insoumise depuis les élections présidentielles. Quant aux Verts qui ne nous ont pas rejoints, certains se sont ralliés au maire socialiste sortant Tony Di Martino, un autre dirige la liste LREM (Jadot envisage bien des accords avec la droite !) ou d'autres ont conservé leur propre liste. Contre ce Dallas du 93, notre candidat pourrait faire figure de candide s'il n'était épaulé par une équipe qui a véritablement envie de rendre Bagnolet à ses habitants. J'ignore si nous avons la moindre chance de gagner les élections, mais nous aurons au moins fait avancer la réflexion sur la gestion de notre ville, sur les moyens de résorber l'énorme dette (nous étions en 3e position des villes les plus endettées de France, avec Di Martino nous avons atteint la première place en haut du podium), sur le désir de faire profiter à toutes les populations locales des ressources existantes ou à créer.
Une chose me tracasse pourtant. Les promesses des tracts de toutes les listes sont très proches. Comme les affiches qui toutes se ressemblent. Comment se distinguer alors des autres ? Comment souligner notre sincérité lorsque d'autres feraient exactement le contraire de ce qu'ils avancent ? C'est le principe des politiques aujourd'hui. On se souvient de "Mes ennemis c'est la finance" de Hollande ou que beaucoup ont pu croire que Macron était de gauche alors qu'il n'a été placé là par les banques que pour dépouiller le pays en le vendant au privé. Je ne vois que la nécessité d'éviter toute langue de bois qui endort les citoyens, de proposer des réformes radicales profitant à toutes les communautés qui font la richesse culturelle de Bagnolet, d'être créatifs, graphiquement, dans les réunions et les témoignages comme les petites vidéos mises en ligne régulièrement. Je me suis d'ailleurs prêté à l'exercice en abordant la question de l'art et de la culture, facteurs d'émancipation pour chacune et chacun. J'imagine que le petit entretien que j'ai donné sera bientôt accessible sur Internet...