70 Multimedia - octobre 2007 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 24 octobre 2007

600 pastilles noires


Avant la naissance d'Elsa, j'étais déjà branché par les livres animés dont les dessins se déplient lorsqu'on les ouvre et qu'on appelle des pop-ups. J'ai continué à en acheter, mais depuis qu'elle a grandi j'avais un peu arrêté de m'intéresser aux livres pour enfants, question d'opportunité bien qu'il m'arrive régulièrement de flasher sur un livre-objet qui me fait retomber en enfance. Depuis La maison hantée de Jan Pieńkowski, j'avais trouvé Drôles de singes, La parade des animaux, Les habitants du désert, Cache-cache... comme de nombreux livres d'anamorphoses, d'illusions d'optique ou de stéréoscopie. Il y a deux ans, Etienne m'avait fait saliver avec Un point rouge. Tandis que je le cherchais, bien qu'il soit depuis longtemps épuisé, je tombais sur le nouveau du même auteur, David A. Carter, 600 pastilles noires (Gallimard Jeunesse). Il aurait publié entre temps 2 Bleu dans le même esprit, des formes modernes très différentes des autres pop-ups souvent platement figuratifs. Je peux rester des heures à voir et revoir les mécanismes de papier qui s'animent. Pendant ces moments-là, au moins, je ne suis pas devant mon ordinateur !

dimanche 21 octobre 2007

Cent lapins au pays des tulipes


Pas de carotte cette fois pour Nabaz'mob, mais une version nouvelle, plus dynamique et haute en couleurs. Nous avons disposé les bestioles directement sur le sol car la salle en gradins permet à tous les spectateurs d'apprécier le spectacle. Nous avons également changé de microphones, passant d'un système de plaques PZM à 24 micros sur pieds. Ainsi le public comprend que le son provient du ventre de chaque lapin, cent synthétiseurs, cent haut-parleurs. Le plus étonnant fut la qualité de concentration des bestioles qui ne jouèrent jamais aussi bien que ce soir !


Je rame un peu pour trouver une connexion Internet. L'ambiance est douce, comme toutes les villes où les bicyclettes ont imposé leur loi. Les gens sont aimables, certainement moins stressés par le trafic automobile quasi inexistant. Il faut seulement faire attention aux tramways qui débouchent sans crier gare. Nous terminons la soirée à de Rokerij avec de la Haze locale, dans un décor multicolore de lumières monochromes.

samedi 20 octobre 2007

Amsterdam à bon port


Après un peu de marche à pieds, nous avons réussi à attraper le Thalys malgré la grève. Certainement influencé par les prouesses masochistes de Bruce Willis, un abruti qui avait choisi de voyager en équilibre entre deux wagons du métro empêchait la rame de partir.
J'avais préparé des cataplasmes, sandwiches au jambon où l'on remplace le beurre par des rillettes, mais le personnel ferroviaire n'a pas arrêté de nous nourrir à la même fréquence qu'en avion. Cela ne nous a tout de même pas coupé l'appétit pour aller dîner au Tempo Doeloe, considéré comme le meilleur indonésien d'Amsterdam : un feu d'artifices de saveurs, 25 plats du plus doux au plus épicé, lente montée vers l'enfer (le 25ème de cette Rijsttafel Istemewa fut fatal, même pour un fanatique du piment comme moi) ! Nous étions allés digérer la ribambelle de repas de midi au Rijksmuseum. La lumière des Rembrandt est toujours aussi épatante et les trois Vermeer restent mes préférés de tout le musée. Je n'étais pas retourné à Amsterdam depuis une quinzaine d'années. Françoise retrouve l'original de l'énorme tableau qui est accroché le long du lit de la chambre bleue à La Ciotat, un portrait de vieille femme priant de Nicolaes Maes qu'elle attribuait erronément à Frans Hals. Tournant le dos au cheval cabré de Constable, je me retrouve en face du cygne en colère de Jan Asselijn dont j'ai souvent envoyé la reproduction en carte postale.


Les rues sont calmes, envahies de vélos, nous marchons le long des canaux. Nous avons profité de l'après-midi pour goûter un délicieux space-cake au chocolat dans un coffee-shop psychédélique. L'âge des clients était étonnament étendu : petites jeunes filles, mamies, rastas trentenaires... Léger, aérien...
Mardi dernier, curieux de toutes les musiques, Robert Wyatt demande à ce que l'on n'éteigne surtout pas nos téléphones portables pendant sa conférence de presse. Cela tombe à pic : jusqu'au 3 février 2008, le projet sonicobject, label de sonneries contemporaines monté par Antoine Schmitt et Adrian Johnson, est exposé au festival video vortex, Nederlands Instituut voor Mediakunst. Nous sommes 18 compositeurs et compositrices à avoir participé à cette formidable expérience et le hasard veut que j'arrive à Amsterdam le jour du vernissage.
C'est notre fête. Après Nantes et Amiens, Nabaz'mob, l'opéra pour 100 lapins communicants, écrit avec Antoine, finit sa tournée de rentrée par trois représentations ce soir au Centre De Balie lors du symposium sur les impacts sociaux des RFID, Recalling RFID. Pour l'occasion, nous avons écourté légèrement le premier mouvement en réduisant les pauses entre les phrases et rajouté un intermède rythmique avant le second. J'ai hâte d'entendre le chœur anarchique des bestioles interpréter la nouvelle version.
Le matin, la lumière sur le Vondelpark est simplement hollandaise.

samedi 13 octobre 2007

Second Life, le monde impossible



Je suis allé hier soir au Théâtre Paris-Villette pour la soirée de lancement du livre présenté par Agnès de Cayeux, "Second Life un monde possible", dont Poptronics livre quelques extraits en pdf. Comme le phénomène m'était resté hermétique, j'ai essayé de comprendre l'intérêt de cet univers persistant (évoluant en l'absence des joueurs), en ligne et en 3D, qui fait les gorges chaudes de toutes les communautés branchées, avides de nouveaux territoires pour échanger ou spéculer. On m'avait déjà expliqué que le "génie" de ce nouvel artefact était d'avoir inventé une monnaie qui manquait aux mondes précédemment créés sur un modèle proche comme l'Habbo Hotel. Le Linden Dollar est échangeable contre de véritables dollars US, et même indexé dessus ! Il n'est pas de mon ressort de décrire comment les Residents font évoluer Second Life, comment ils se construisent un avatar, acquièrent une parcelle, construisent une maison, etc. Le site lui-même (version française) ou Wikipedia sont là pour promouvoir l'objet. Je note seulement que la prostitution et les jeux d'argent font florès sur "Second Life", qui fonctionne comme l'écho virtuel du monde réel. La spéculation immobilière en est encore à ses balbutiements et il est tout de même possible de "jouer" sans argent, bien que tous reconnaissent que c'est plus sympa d'en avoir ! Les pauvres, principalement issus de l'Asie du Sud-Est, campent, faute de pouvoir se construire une maison d'architecte, jouant le rôle de métayer ou de gardien des propriétaires en titre qui peuvent ou non laisser entrer les visiteurs dans leurs demeures. Sur Second Life, il y a même une prison. L'intérêt de cet univers fantôme où l'exploitation de l'homme par l'homme acquiert de nouvelles lettres de noblesse est d'anticiper un modèle de commerce et d'échange à venir. Si la chose est expérimentale, elle ne manque pas d'intéresser en France les partis politiques, le Front National en premier, suivi par les Socialistes et les autres, comme par la BNP-Paribas qui y investit des sommes importantes. Chacun peut la façonner selon ses souhaits, mais l'heure et les saisons, communs à tous, sont évidemment celles de la Californie et l'arbitre se nomme Lindon Lab.
En dehors du fait que c'est d'une laideur achevée, Second Life m'apparaît comme une vision utopiste des plus réactionnaires où l'argent, la propriété, la spéculation, les communautés tribales et bien d'autres éléments dont j'aurais plutôt rêver me débarrasser dans le meilleur des mondes, dessinent une seconde vie des plus morbides.

vendredi 12 octobre 2007

Radar


Je devrais me réjouir d'être submergé de travail, mais je déteste me retrouver sous pression. Je me passerais volontiers de certains aspects de la pré- ou post-production. Impossible de composer les jours où l'administration m'envahit. J'arrive à écrire, mais un billet me prenant vingt minutes minimum (c'est plus proche de deux ou trois heures), je n'ai actuellement pas le temps de rédiger les articles que je souhaiterais sérieusement aborder. D'autant que je termine des chroniques pour le futur Muziq et prépare déjà le n°21 des Allumés. En outre, un arbre s'étant abattu dans le jardin, j'ai dû passer une matinée à débiter des mètres cube de branchages au lieu d'avancer sur ce que j'avais à faire.
Du côté de Nabaztag, les enregistrements reprennent avec l'anglais et l'allemand d'un nouveau service, le gourou, déjà bouclé dans les autres langues avant l'été : vous lui posez une question et il répond ! J'ai composé de nouveaux jingles pour un autre service tout neuf à base de RFID, à l'intention des enfants, mais chut, c'est une surprise. J'adore les surprises. Celle-ci est de taille puisqu'il les emmènera dans des contrées interactives. Le protocole midi me pose plein de problèmes, car les timbres sont reproduits de façon variée selon les synthétiseurs qui les jouent, et je n'ai pas encore de simulateur instrumental pour celui qui est abrité dans l'estomac du lapin. Le midi permet d'envoyer les notes (hauteur, rythme, durée, volume), mais l'instrument peut être très approximatif, surtout pour les percussions (programme polytimbral du canal 10) qui collent bien à ce projet. J'abandonne provisoirement les sons cristallins du glockenspiel pour une flûte très mélodique.
Avant de filer (je fais attention de ne pas dépasser la vitesse limite et de garder les yeux grands ouverts), je vous livre trois adresses, la première est celle du site Arrêt sur images qui fait suite à l'émission déprogrammée sur France 3. L'équipe de Daniel Schneidermann, hébergée par Riff, est sur tous les fronts de l'actualité étouffée par les médias dominants. Vous pouvez également vous connecter à Rue89, site réalisé par trois anciens de Libé, fonctionnant avec l'aide des internautes qui envoient articles, photos, vidéos, etc.
Pour terminer, un peu de distraction avec Neon Bible, un clip interactif réalisé par Vincent Morisset pour le groupe Arcade Fire (site sympa), signalé par Étienne Mineur dont je suis le blog avec la plus grande assiduité.
Bientôt dans cette colonne, l'homme du trentième siècle et six cents points noirs !

lundi 8 octobre 2007

Symbiose lagomorphe


Le Petit Robert, accessoire indispensable dans sa version CD-Rom, indique que lagomorphe décrit "l'ordre des mammifères herbivores comprenant les lièvres et les lapins", possédant une paire d'incisives de plus que les rongeurs. Le dictionnaire révèle surtout que symbiose vient du grec sumbiôsis, de sumbioun « vivre (bioun) ensemble (sun) ». Il exprime "l'association durable et réciproquement profitable entre deux organismes vivants."
En ce qui nous concerne, il s'agit de cent lapins Nabaztag de première génération et de deux artistes manipulateurs. Nous parlons à l'oreille des bestioles pendant les répétitions, mais sur scène nous leur communiquons les ordres via wi-fi. Je fournis les carottes et ils nous nourrissent. Samedi soir, la Nuit Blanche amiénoise fut l'occasion de retrouvailles émouvantes, car c'était la première fois depuis un an que la partition était jouée telle que nous l'avions écrite, avec ses zones d'ombre et ses évidences lumineuses. Les représentations nantaises avaient donné lieu à une interprétation passionnante, mais non conforme à nos désirs de compositeurs. La lenteur des routeurs avaient produit d'intéressants glissements et un score en tuilage qui n'avaient rien à voir ni à entendre avec l'original. Grâce aux ombrelles d'Ozone, la structure émergea enfin du chaos, l'harmonie reprit ses marques, le délai imposé se recala sur les dix secondes prévues initialement, le silence réintégra la partition et les carottes plurent comme au premier jour. En comparaison des martellements électro et des excitations urbaines de la Nuit Blanche (JDA du 3/10), le public trouva notre opéra cool et apaisant, ce qui ne manqua pas de contrarier Antoine qui souhaite produire d'inquiétantes interrogations que l'absence de véritable création lumière, fut-elle très sobre, nous interdit samedi soir, mais qui était, par contre, réussie au Festival Scopitone. Les prochaines représentations auront lieu à Amsterdam le 20 octobre pour Recalling RFID au Centre culturel et politique De Balie en collaboration avec l'Institut des Cultures en Réseau.


Le voyage à Amiens, organisé par numeriscausa, nous donna l'occasion de revoir Yacine qui présentait Ex-îles, réalisé avec Naziha, dont les reflets inondaient la voûte gigantesque de la cathédrale médiévale, et de rencontrer Miguel Chevalier dont les Surnatures projetées sur une façade se pliaient au gré des déplacements turbulents de la jeunesse énervée par la douceur de la nuit.

samedi 6 octobre 2007

Nabaz'mob à Amiens pour la Nuit Blanche


Nous partons ce matin à Amiens pour présenter Nabaz'mob, notre opéra pour 100 lapins communicants. La ville a adhéré à cet évènement initialement parisien, qui s'est en outre étendu à plusieurs capitales étrangères. Antoine et moi dirigerons la meute de ces coquins à 21h et 23h à l'Auditorium Dutilleux. En dehors des œuvres ou des spectacles, la Nuit Blanche est une occasion de sortir et de parfois découvrir des lieux alternatifs dans son quartier. L'année dernière, nous avons eu la surprise de constater un nombre incroyable d'initiatives dans le nôtre, une nuit off en marge de la programmation officielle ! La Nuit Blanche proprement dite est une opportunité pour nombreux artistes de toucher un large public avec des installations artistiques ambitieuses, difficiles à monter dans des conditions ordinaires.
Ce n'est pas le cas de nos 100 lapins qui ont commencé à gambader de ville en ville, s'échappant de la tâche domestique pour laquelle ils ont été initialement programmés. 100 rebelles parmi 200 000 Nabaztag vendus à ce jour ne peuvent mettre en péril le succès de la petite bête. Chacun sait pourtant que les révolutionnaires constituent une force dynamique qui permet au système de perdurer en l'empêchant de s'endormir sur ses acquis.
Pour ne pas reproduire les problèmes de synchro, donc de tempo, rencontrés à Nantes (interprétation au demeurant fort intéressante !), nous emportons trois routeurs beaucoup plus puissants, des ombrelles, comme à New York. Sur le site de l'opéra, nous avons récemment ajouté les derniers articles de presse (Le Monde, Libération, 20minutes...) et le court reportage tourné par France 3. La caméra d'Antoine s'étant enrayée à Nantes, nous comptons filmer le spectacle cette fois-ci. Nous savons que le film de Françoise a été déterminant dans la tournée de Nabaz'mob. Antoine me raconte que, lors d'une création d'Atau, il a vu débarquer une équipe de télé au complet pour pouvoir ensuite vendre la performance à des festivals. Il n'y a rien de plus convaincant qu'une vidéo.
Lorsque nous dirigions le grand orchestre d'Un Drame Musical Instantané (1981-1986), Youenn Le Berre et Didier Petit m'avaient reproché d'éditer systématiquement l'enregistrement des premières représentations qui étaient fatalement moins au point que les suivantes. Pour des petites structures comme les nôtres, si nous n'avions pas produit le disque de la première, il n'y aurait probablement pas eu de seconde. Vingt ans plus tard, je rééditerais bien les enregistrements originaux augmentés de quelques captations plus tardives.
En ce qui concerne Nabaz'mob, nous n'avons pas eu ce problème, même si chaque représentation s'avère différente, selon les conditions techniques (phénomènes aléatoires de la programmation) et scéniques (disposition et sonorisation variables). Nous attendons chaque nouvelle interprétation de nos petits robots avec la plus grande joie et curiosité.