70 Multimedia - octobre 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 31 octobre 2012

Salle des pas perdus

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Petit reportage sonore au Palais de Justice pour un film d'architecture en 3D. Je ne me souvenais pas avoir passé un portique anti-métaux à ma dernière visite. Je divorçais. C'est déjà loin. Vingt ans plus tôt, j'avais vu un Maghrébin prendre six mois pour le vol d'un litre de lait ou quelque chose comme ça. J'avais compris ce que voulaient dire les camarades par justice de classe. Aujourd'hui il faut justement que j'enregistre le son du portique, le bruit des paniers sur les cylindres, mais j'ai surtout besoin d'ambiances, de grands halls où résonnent les pas et où s'étouffent les murmures des avocats et de leurs clients.

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Dans la gigantesque salle des pas perdus, le long des couloirs interminables, aucun effet de manches, les robes vite repliées dans les serviettes contrastent avec l'inquiétude feutrée des convoqués. S'il n'est pas nécessaire de demander une autorisation pour y enregistrer, "c'est un espace public" m'en informe la directrice de la communication, il est par contre interdit de rapporter quoi que ce soit d'une audience même si elle est publique. Ni image, ni son : aucune autorisation ne peut être délivrée. Je devrai donc recréer certaines scènes avec des acteurs.
Le Palais de Justice est incroyablement grand, et pourtant il ne suffit pas puisque Renzo Piano en construira un nouveau sur la Zac Clichy-Batignolles dans le XVIIe arrondissement. De l'autre côté de la rue, l'ascenseur du parking qui nous ramène au troisième sous-sol nous parle d'une voix féminine impersonnelle comme dans les films de science-fiction terriblement datés. Chaque automatisme est commenté. Sous la pluie les touristes font sagement la queue pour visiter la Sainte-Chapelle.

mardi 30 octobre 2012

Sortie d'archives pour la joie des mouflets


Notre Ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, écrit dans Libération de lundi : "Il faut créer dans l'espace numérique des projets inédits, qui ne peuvent se faire nulle part ailleurs et qui permettent des relations nouvelles avec le public." Voilà une phrase qui réchauffe en ces temps de disette et de peau de chagrin où le Capital essaie de faire passer sa rapacité pour de la crise !
Si depuis toujours je me suis passionné pour les nouvelles technologies, j'ai chaque fois cherché à créer des œuvres qui correspondent aux différents supports, d'où une mauvaise interprétation de mon travail entraînant parfois la qualification de touche-à-tout, qui n'a pourtant rien pour me déplaire... En ce qui concerne le numérique, le CD L'hallali produit en 1987 permettait l'enregistrement de la pièce Une passion dévorante qu'il aurait été impossible d'imaginer plus tôt. Dès 1995 je plongeai dans la création de CD-Roms dits d'auteur, déménageai sur Internet à l'abandon absurde de ce support pour retrouver enfin avec l'iPad un enthousiasme légendaire. L'interactivité retrouve ses lettres de noblesse.
Mais qu'en est-il hélas de toutes les œuvres créées sur les anciennes machines ? La technologie galopante se moque de ces incompatibilités, mais elle n'est pas la seule responsable, même si seul l'appât du gain à court terme explique le gâchis à l'œuvre. En effet, presque chaque fois que j'ai dérogé à la règle de l'indépendance qui me pousse à produire mon propre travail j'en ai perdu la trace. Il en fut ainsi, par exemple, du CD de Crasse-Tignasse, passé scandaleusement au pilon par Naïve avec le reste de la collection Zéro de Conduite et la plupart de celle de Silex, des films réalisés à Point du Jour tels Idir et Johnny Clegg a capella ou ceux que nous avons tournés à Sarajevo pendant le siège, de la cinquantaine de CD-Roms qui m'ont permis de poser les bases du design sonore interactif tels Carton, Machiavel ou Alphabet, et des sites ou entreprises qui ont mis la clef sous la porte. Quel regret de n'avoir aucune trace de Magado réalisé par Étienne Mineur avec Möbius ! Le nouveau Ministère de la Culture permettra-t-il de sauver les centaines d'œuvres patrimoniales rendues inaccessibles faute de combattants ou de technologie dite caduque ?
De même que j'ai décidé de mettre en écoute et téléchargement gratuits les neuf chansons pour les enfants qui veulent avoir peur de Crasse-Tignasse sur drame.org, le collectif surletoit a remis en ligne les sept années de jeux pour enfants des P'tits repères. Vous trouverez donc plus d'une trentaine de jeux brintzingues, scénarisés par Martine Brux, Sonia Cruchon et Farnaz Bidgoli Rad, avec les animations de Mikaël Cixous et Benjamin Hofseth que je choisis de sonoriser entièrement avec la bouche. Les jeux secrets exigent trois mots de passe : framboise, fraise, orange. Deux initiatives qui réjouiront les mouflets et leurs parents !

lundi 29 octobre 2012

La machine à rêves, en marge de l'exposition Léonard de Vinci


Combien de fois avons-nous dû remettre l'ouvrage sur le métier pour accoucher de 40 secondes qui plaisent à tout le monde, entendre, pour commencer, l'équipe de création et nos interlocuteurs à la Cité des Sciences ? Sonia Cruchon a réalisé le petit film à partir d'images et de sons qui étaient en train de se construire. Si rien n'existait encore, il a depuis donné corps à nos rêves. Nicolas Clauss a rajouté de la couleur. De mon côté, la musique que j'ai composée pour cette bande-annonce m'a fourni l'idée de la troisième et dernière partie. J'ai jeté tout ce que j'avais préparé et j'ai recommencé à écrire. La renaissance a trouvé sons sens dans la perpétuité. L'arbalète plongée dans les ressorts virtuels du H3000 s'est mise à vibrer de toutes ses cordes. Histoire de théâtraliser notre histoire j'ai dressé le décor derrière le violoncelle de Vincent Segal avec les entrailles de la terre en faisant sonner le tocsin.


La machine à rêves de Leonardo da Vinci prend tournure. Ses couvercles en métal qui glissent dans un vacarme de grincements l'ont protégée des assauts du temps. Les rêves anciens sentent le roussi, on les fait tomber dans la fente mystérieuse de l'iPad. Je tiens la boîte à deux mains, l'incline, caresse l'écran pour vérifier que l'instrument interactif fonctionne comme imaginé. Le mixage du quatuor à cordes accompagne ou suscite les quatre écrans qui se transforment sans cesse. Je suis impatient de traverser le hublot pour voir le passage en multitouch, sentir les nouvelles images bouger sous mes doigts...


L'œuvre sur iPad a été produite par la Direction des éditions et du transmédia, indépendamment, mais en accord avec la très belle exposition "Léonard de Vinci, projets, dessins, machines" qui vient de s'ouvrir à la Cité des Sciences et de l'Industrie. Les machines imaginées par le génial touche-à-tout ont été construites fidèles à ses dessins. Comme notre machine à rêves, mais cette fois avec un propos ludo-pédagogique, des bornes interactives projettent les visions Léonard de Vinci dans notre siècle.

samedi 6 octobre 2012

Votez pour moi !


Je crois n'avoir jamais gagné un concours auquel je postulais. Presque tous les prix gagnés dans les domaines de la musique, du cinéma ou des nouvelles technologies m'ont été attribués sans que je sache même que je concourais. Et si jamais j'en prenais l'initiative et qu'il m'arrivait de gagner je n'avais aucun espoir et le faisais simplement par acquis de conscience.
Tout a commencé à l'école primaire. Ce fut une grosse surprise pour mes parents lorsque j'obtins la première place. À cette époque je récoltai également un brevet de 50 mètres nage libre et la victoire d'un concours de twist en duo avec ma petite sœur ! J'ai déjà raconté la catastrophe de mon Prix d'excellence en sixième et ce qu'il m'en coûta. Plus tard, après avoir repassé le bac, je réussis le concours de l'Idhec uniquement pour faire plaisir à ma mère, encore une fois. Je voulais arrêter mes études, mais j'y suis resté par orgueil lorsque son directeur des études, Louis Daquin, me confia discrètement que j'étais le premier. Comme je lui répondais que j'avais l'habitude de l'ordre alphabétique et que je savais que j'étais le benjamin de la promo, il insista en précisant que j'avais obtenu les meilleures notes. J'en gardai le secret... Et ainsi de suite.
Le succès ne vient jamais d'où on l'attend. Chaque fois que nous avons tenté de concourir de notre propre initiative nous avons fait chou blanc. Ainsi la pièce Crimes parfaits d'Un drame musical instantané a été retoquée au concours de musique électroacoustique de Bourges. Cela ne m'empêcha pas de la publier dans sa version orchestrale en 1981 sur le vinyle À travail égal salaire égal, puis dans sa version originale en 1998 sur le CD Machiavel. Son impact me rappelle l'histoire de Monet que Sacha Guitry raconte dans Ceux de chez nous :
Lorsqu'en 1923 le ministre des Beaux-Arts vint à Giverny demander à Claude Monet une toile de lui pour le Musée du Louvre, Monet répondit : « Oui, je veux bien... Mais je veux la choisir moi-même.» Le ministre y consentit bien volontiers. On ne discutait pas d'ailleurs avec Monet. Et Monet désigna ce magnifique et grand tableau intitulé Femmes dans un jardin. - Mais mon cher Maître, lui dit le ministre, puis-je vous demander pourquoi vous avez choisi cette toile-ci plutôt qu'une autre ? - Oui, monsieur le ministre, j'ai choisi celle-ci, répondit Monet, parce qu'elle m'a été refusé au Salon de 1887.
Tout ça pour accrocher aujourd'hui une bannière en colonne de droite vous incitant à voter pour ce blog... Pfuit ! Est-ce de la vanité ou du fatalisme ? Des centaines de blogueurs sont en lice. Les Golden Blog Awards permettront peut-être d'attirer de nouveaux lecteurs. Je concours donc dans la catégorie Culture généraliste. À vous de cliquer, c'est ici en haut à droite de cette page ;-)