70 Multimedia - septembre 2015 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 16 septembre 2015

Darwin en vue, Darwin en sons


Malgré l'incendie à la Cité des Sciences et de l'Industrie le 20 août à Paris, Sacha Gattino et moi continuons à sonoriser la future exposition qui y sera consacrée à Darwin. Nous fabriquons des sons abstraits à partir de cris d'animaux et de bruits végétaux pour ses différentes installations interactives : choix des langues, validations, ouverture et fermeture de fenêtres, rotations, glissés, molettes, mouvements devant les kinekts, réussites et échecs, etc. Nous ignorons les dates de la réouverture de la Cité, mais nous brûlons d'impatience.
L'un des quatre cubes qui la composent était en travaux avant son inauguration qui n'avait encore jamais eu lieu depuis le lancement de la Cité en 1986, centre commercial de Vill’Up comprenant un complexe cinéma de 16 salles et une cinquantaine de boutiques et restaurants. Or des milliers de mètres carrés sont partie en fumée. Une armoire électrique serait à l'origine de l'incendie. À l'occasion de ce sinistre, la Cité a l'intelligence de mettre en ligne une page à destination des Juniors intitulée Le feu, c'est pas un jeu ! En attendant, elle conseille de visiter la Géode et le Palais de la Découverte qui présente XYZT Jouer avec la lumière jusqu'au 3 janvier, installations de la compagnie Adrien M. / Claire B.

mardi 8 septembre 2015

Carnet d'Arménie, 1915-1918


À force de remettre au lendemain les tâches les plus enquiquinantes on laisse s'accumuler quantité de papiers que l'on oublie jusqu'à ce que quelqu'un un jour les découvre ou les fiche à la poubelle. Lors de l'un de ces ménages salutaires où l'on finit par trier les affaires de celles et ceux qui nous ont quittés, Anny Romand, la sœur aînée de Françoise, a trouvé un vieux carnet écrit d'une belle écriture calligraphiée. Témoignage formidable d'une époque douloureuse, il avait appartenu à leur grand-mère arménienne qui avait fui et survécu au génocide de 1915. Il y avait aussi des pages rédigées en français et d'autres en grec ! Cent ans plus tard, le déchiffrage permet de comprendre qu'il accompagna la jeune femme lors de sa marche forcée de 1915 à 1918. Ainsi Serpouhi Kapamadjian née Hovaghian décrit la barbarie dont elle est témoin et victime sur les routes d'Anatolie, comment sa famille disparaît et grâce à quelles péripéties elle échappe au massacre. Trois ans après avoir confié à des paysans turcs son fils de quatre ans, seul rescapé avec elle, elle le retrouvera par miracle grâce à l'armée russe. Réfugiée en France, elle accouchera mystérieusement d'une nouvelle fille, Rosette, qui donnera naissance à son tour à Anny et Françoise. Anny alterne les pages du carnet et ses propres souvenirs sous sa plume de petite fille de huit ans pour reconstituer le portrait étonnant de sa grand-mère, s'enfonçant dans l'Histoire au point d'investir ce passé qu'elle n'a pas vécu, mais qui hante tous les descendants des martyrs. La littérature permettant tous les sauts temporels, nous sommes à notre tour transportés par ce témoignage exemplaire, 120 pages illustrées de petites photos que j'ai dévorées d'une traite, évocation plus réussie que tant de cinéastes s'étant essayés récemment à évoquer le sujet (Henri Verneuil, Atom Egoyan, Robert Guédiguian, les frères Taviani, Fatih Akin), alourdis par un pathos que l'auteure évite pour se concentrer sur l'amour qu'elle portait à sa grand'mère d'Arménie et leur complicité.

→ Anny Romand, Ma grand'mère d'Arménie, Ed. Michel de Maule, coll. Je me souviens..., 9 €