70 Multimedia - juin 2019 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 24 juin 2019

Sur le nouveau site de Raymond Sarti


Je devrais peut-être en faire autant. Le scénographe Raymond Sarti a entièrement réactualisé son site personnel.
En 2010, épaulé par Jacques Perconte, j'avais complètement repensé le mien qui datait de 1997. Conçu et réalisé à l'origine par Hyptique avec Étienne Mineur comme directeur graphique assisté d'Arnaud Dangeul, il avait fallu treize ans avant que je me décide, mais là cela ne fait que neuf ans que la nouvelle version est en ligne avec sa radio aléatoire et ses 153 heures de musique inédite. Chaque fois j'avais demandé un petit coup de main au plasticien Nicolas Clauss et ces dernières années Pat Joub en avait assuré la maintenance. La console d'administration est suffisamment bien conçue pour que j'en assume la mise à jour régulière.
Sarti, épaulé par le web designer Philippe Dubessay, a classé quelques centaines de documents en artsde la scène, décors de cinéma ou de théâtre, pour les expositions, les intérieurs et les paysages. J'écris Sarti, mais je devrais plutôt l'appeler Raymond, car je l'ai toujours considéré comme mon petit frère. Nous sommes amis depuis trente ans, depuis qu'il m'a été imposé sur le spectacle J'accuse que j'avais monté avec Un Drame Musical Instantané, l'acteur Richard Bohringer, la chanteuse Dominique Fonfrède et un orchestre d'harmonie de 80 musiciens ! Ahmed Madani, le metteur en scène, aussi doué que mon nouveau camarade, faisait partie de la corbeille de mariage. Le spectacle avait été filmé, mais je suis heureux de découvrir ici des photos dont j'ignorais l'existence...


En 1992 Raymond a réalisé la scénographie du K de Buzzati, toujours avec le Drame et Bohringer, puis Daniel Laloux. Il a commis nombreuses affiches, pochettes de disques, cartons d'invitation, vitrines, costumes pour notre groupe. De mon côté j'ai composé la musique et la partition sonore des expositions Il était une fois la fête foraine à La Grande Halle de La Villette, The Extraordinary Museum au Japon, Jours de cirque au Grimaldi Forum à Monaco, Electra à La Cité des Sciences et de l'Industrie, un atelier au département scénographie de l'ENSAD, etc. Notre plus récente collaboration fut pour moi un modeste environnement sonore au nouveau Conseil Général de l’Ile de la Réunion à Paris. Mais c'est une toute petite partie de l'œuvre de mon camarade.
D'autres projets sur lesquels nous avons planché n'ont d'ailleurs jamais vu le jour. C'est le lot des appels d'offres dont beaucoup sont pipés comme chacun sait. Aujourd'hui les commanditaires font plus attention au budget qu'aux aspects artistiques. C'est un peu partout pareil. L'économie de marché gagnant tous les secteurs d'activité, notre pays s'appauvrit doucement, mais sûrement. Heureusement qu'il continue à y avoir des artistes et des artisans qui ne sacrifient pas leur passion aux chimères du succès. Paradoxalement c'est en restant intègre que l'on a des chances de perdurer. Comme pour tout, le pire des risques est de n'en prendre aucun, et lorsqu'on est prêt à tout perdre, on a de bonnes chances de remporter la timbale.
J'ai toujours adoré la manière de travailler de Raymond, capable de s'adapter à n'importe quelle situation en inventant des cadres qui collent au sens sans sacrifier à la beauté des choses, et ce avec parfois les matériaux les plus simples...

mardi 18 juin 2019

Quel temps fera-t-il demain...


Lundi dernier l'empereur, sa femme et les petits princes sont venus chez moi pour me serrer la pince... Sauf qu'aucun d'eux ne se prend réellement au sérieux, ou plus exactement qu'Ella & Pitr forment un duo égalitaire qui ont fondu le style de chacun/e dans une signature commune à laquelle participent de temps en temps leurs deux jeunes enfants. Des affiches détourées et découpées comme jadis Ernest Pignon Ernest ils sont passés aux anamorphoses à la Georges Rousse avant de réaliser les plus grandes œuvres de la planète, peintures éphémères que l'on ne voit totalement que depuis l'espace ! Eux-mêmes utilisent un drone pour voir comment étaler les 1500 litres de peinture acrylique qu'ils pulvérisent en même temps que leur propre record, peignant la dernière en date sur le toit du Parc des Expositions à la Porte de Versailles, soit 25 000 mètres carrés. Elle représente une nouvelle géante, vieille dame pensive devant la futilité orgueilleuse des petites voitures roulant sure le Boulevard Périphérique parisien, un sac en plastique s'envolant polluer notre univers absurde... L'ont-ils appelé Quel temps fera-t-il demain... en référence au seul lien qui relie l'ensemble de ces automobilistes tournant en rond, les infos diffusées par FIP ?


J'étais donc tout heureux de leur montrer le bleu ciel sur lequel se détache maintenant Bientôt, le personnage qu'ils avaient peint tout en haut de ma façade. Leur empire n'est que celui de l'imagination et les deux petits princes facétieux étaient restés à Saint-Étienne où la famille Trapp des arts plastiques a élu domicile. Pour fêter leur venue à Bagnolet j'avais préparé un poulet à la grecque consistant à cuire au four cuisses et ailes immergées dans l'origan et le citron, recette familiale que je tiens de ma maman. Le dessert dont ils raffolent ne pouvait provenir que du plus célèbre glacier parisien auquel je suis maladivement abonné. Ils n'ont pourtant jamais encore travaillé sur ce support alors qu'ils préparent un nouvel emballage pour le chocolat stéphanois Weiss après le succulent blanc aux fruits rouges qu'ils ont orné d'un cœur qui s'envole !


Je ne pouvais partager les images d'Ella & Pitr avant la diffusion du reportage de TF1. Aussitôt l'embargo levé et lu le superbe article d'Emmanuelle Jardonnet dans le Monde dressant le portrait de ce couple d'artistes qu'on affuble "de rue", mais qui se moquent du street art comme jadis, disent-ils, le trio des Inconnus épinglaient le rap ! Cela n'empêche pas Loïc dit Pitr de m'indiquer le sulfureux Booba tandis que nous regardons les épatants clips d'OrelSan. Ella & Pitr critiquent essentiellement les fresques murales qui ne tiennent pas compte du contexte urbain... Leurs interventions tiennent toujours compte de l'espace social et géographique dans lequel se lovent leurs géants, souvent des laissés pour compte de notre société malade. Leurs personnages "énormissimes" n'étant pas visibles à l'œil nu le couple d'artistes prend de la hauteur sans en rajouter à la pollution visuelle qu'engendre entre autres la publicité. Entre ces encombrements et ceux des automobiles, véritable cancer de la ville, ils nous renvoient à notre condition humaine de fourmis dans l'immensité du cosmos, éphémérité n'empêchant pourtant pas le gâchis dont nous sommes les auteurs.


Comme on peut le voir dans le long métrage Baiser d'encre que leur avait consacré Françoise Romand et dont j'avais composé la partition sonore, l'univers pictural d'Ella & Pitr alimente leur quotidien autant que celui-ci les inspire. Leurs fantaisies narratives sont composées d'une vision critique du réel et d'une poésie de l'enfance qui s'interpénètrent au point de créer un réalisme poétique laissant deviner un imaginaire plus vrai que nature...