Je ne sais plus comment écrire sur la musique, comment faire partager mes coups de cœur, comment transmettre ce qui m'a été légué, comment me distinguer du vacarme ambiant. Aurais-je perdu le rythme des mots, à parler sur au lieu de versifier sûr ? Dois-je chanter les louanges pour qu'elles soient entendues ? La culture est-elle devenue une simple marchandise qu'on la relooke aux couleurs de la mode, faux-semblant faisant croire aux artistes en herbe qu'ils inventent lorsqu'ils ne font que répéter sans le savoir ce qui les constitue ? Les idées se rencontrent, mais que reste-t-il du style ? Je m'y perds, parce que je n'ai jamais voulu pondre un morceau de plus, ajouter mes sornettes au concert de klaxons, urinant dans cet océan d'informations dans lequel nous nous noyons tous. Je tape trop souvent plus de lignes que je ne frappe de touches, comme la justification d'une vie passée à produire, comme si c'était fini, comme si j'avais tout dit et qu'il fallait encore enfoncer le clou. À viser l'efficace, on se dilue. Retrouver la simplicité du cœur, participer à la chorale, la vacance est là pour remettre le compteur à zéro.

La raison, déjà un mauvais terme, est qu'à mon retour je devrai me remettre à jouer. D'abord de la musique avec Franck Vigroux. Avantage, je n'ai aucune idée, donc pas de préjugé, comme une nouvelle virginité dans un corps marqué par les années. On peut les compter comme les écailles de la tortue. Ne croyez pas qu'avec le temps il soit plus facile d'écrire. C'est le contraire. Peur de radoter. Sensation de déjà vu. Y aller alors, au lieu de râler, sans souci, tel ce bateau en papier flottant dans le caniveau rue de la Convention lorsque j'avais l'âge de raison, avant l'orage des saisons. Mais avec quel accompagnement ? Je n'ai jamais su ni plier ni rouler le papier. Chacun de mes mouvements est lié aux désirs de mes alter ego.
Je dois aussi rédiger plusieurs articles. Pour le prochain Muziq, Goaty me demande d'écrire chaque fois 1500 signes sur trois disques que j'ai usés jusqu'à la corde. Pour me pendre ? Trois filles, non des moindres. En ai-je connu d'autres ? Bien sûr. J'ai failli me la passer autour du cou tant elles étaient fatales. J'ai grandi et m'en voilà fort marri ! Les idées ne manquent pas, je m'y mettrai lorsque j'aurai trouvé le style. Idem pour les Allumés, je dois absolument sortir du cadre thématique que je m'étais imposé pour ma chronique dvd "Sur l'écran noir de vos nuits blanches". Laisser aller la plume en considérant les galettes comme les contrechamps de mes élucubrations. Retrouver la liberté. Le ton. Une illusion. Je m'entraînais devant la glace. C'est du travail. Beaucoup de travail.