J'ai réussi à faire le point. Le Diable est apparu tel que Murnau l'avait imaginé. C'est à cette figure que je me référais hier en cherchant dans la glace l'ombre fixée par la chaleur.
Le Faust de F.W.Murnau est le seul film muet que je regrette de n'avoir pas mis en musique à l'époque d'Un Drame Musical Instantané, d'autant que nous en avions composé toute la partition. Tout était prêt, et la chose devait être diffusée en direct à la télévision dans le cadre du Ciné-club de Claude-Jean Philippe. Nous venions de créer L'homme à la caméra de Dziga Vertov avec le grand orchestre du Drame qui avait obtenu un grand succès au Théâtre Déjazet. Mais René Koering qui dirigeait alors France Musique et avait depuis longtemps notre projet sous le coude, la chaîne musicale devant en être partenaire par la retransmission simultanée de la musique, s'est débrouillé pour nous damer le pion. Sa version fut si catastrophique que Claude-Jean Philippe fut contraint d'abandonner le projet de programmer d'autres ciné-concerts en direct. Nous ne jouerons jamais notre Faust, la télévision ne validera pas le travail accompli depuis de longues années. Nos espoirs s'envolaient. Après avoir relancé la mode du ciné-concert dès 1976, avec plus de vingt films au répertoire, nous montâmes encore L'argent de Marcel L'Herbier qui marqua certainement l'apothéose de notre travail cinéphilique et nous voguâmes vers d'autres tropiques. Nous eûmes beau exorciser le malfaisant sous la forme d'un anagramme dans les dernières secondes de La Bourse et la vie, créé dans l'enceinte même de la Maison de la Radio par le Nouvel Orchestre Philharmonique, Faust nous laissa un goût amer. Le Diable s'était joué de nous.