Le hasard fait bien les choses. Lynda Michelsonne me demande de contribuer au livre qu'elle écrit sur les instruments construits par son père, les célèbres pianos-jouets utilisés par Comelade, Tiersen, Musseau, Les Blérots de Ravel et bien d'autres. Cherchant en vain des photos d'époque je me résigne à poser avec le retardateur, après avoir griffonné quelques notes.

Enfant, j'accumulais les objets cassés pour en faire des sculptures. Devenu musicien, je ne jetais aucune chose sans d'abord l'avoir fait sonner. On me parle souvent de ma collection d'instruments, mais c'est une boîte à outils, ma palette de timbres. Je ne me souviens plus comment j'ai acquis mes deux pianos Michelsonne, probablement des cadeaux d'amis qui n'en avaient aucun usage. Le son du plus grand vaut tous les glockenspiels d'orchestre. Ses fines tiges tubulaires sont justes et cristallines. Il évoque l'enfance, l'enfance de l'art, l'âme d'enfant de l'adulte et de l'interprète.
On l'entend sur Le réveil, au début de la seconde face de Défense de de Birgé Gorgé Shiroc, mon premier disque, devenu culte grâce à la Nurse With Wound List. Enregistré en 1975 sur le label GRRR, il fut réédité par Mio Records en 2003 sous la forme d'un double cd+dvd. Hélas, il y a trente ans, comme j'initiais de très jeunes enfants à la musique, ils tapèrent dessus jusqu'à en briser trois notes au milieu du clavier.
Aussi, récemment, quand je voulus l'utiliser pour la musique d'un film sur La chanson d'amour de Giorgio di Chirico avec le violoncelliste Vincent Segal, je me rabattis sur ses clones virtuels, plusieurs Michelsonne remarquablement échantillonnés par UltimateSoundBank. Rythmique ou mélodique, il possède une puissance et une poésie irremplaçables. J'aimerais beaucoup en retrouver un en bon état pour pouvoir en jouer à nouveau sur scène.