Les meilleurs résultats s'acquièrent dans la simplicité. Je ne crois pas à la souffrance. Workaholic passionné, je ne voue un culte qu'au moindre effort pour un effet maximum. Bien préparée, avec un casting aux petits oignons, des musiciens cultivés et généreux, un réalisateur aux intentions claires, la séance s'annonçait prometteuse. Entendre que la préparation peut être laborieuse, mais l'acte de création doit préserver la fraîcheur de l'inspiration. Nous ne devons être freinés ni par la technique ni par une insatisfaction forcément justifiée. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire nous nous installons et nous jouons, comme des enfants. On s'amuse à prendre les tons les plus variés, à changer de rôle, et nos maladresses provoquent l'hilarité générale. À la pause nous nous offrons le luxe de regarder quelques morceaux de Spike Jones sur le petit écran du salon et nous pleurons quand le rire nous submerge. Il y a des évidences dans l'alchimie humaine. Vincent Segal me dit qu'il était certain qu'Antonin-Tri Hoang nous épaterait du haut de ses 22 ans. Nous formons un trio symphonique qui ne me fait pas regretter l'orchestre d'Europe de l'Est évoqué initialement pour enregistrer la musique de ce long métrage. Le violoncelliste et le souffleur sont tantôt les solistes d'un concerto, tantôt ils s'intègrent à la masse orchestrale. Les instruments d'aujourd'hui me permettent de réaliser mon rêve d'enfant, un ensemble virtuel aux bouts des doigts, une palette de timbres inouïs ou totalement référentiels.


En 48 heures nous mettons en boîte quantité de morceaux différents. À de rares exceptions la première prise est la bonne, parce que nous savons pourquoi nous l'exécutons. Le premier jour je m'emberlificote à vouloir délivrer des mixages différents pour chacun. La schizophrénie ne me distrait pas de la musique, mais j'opère quelques ratés comme ne pas avoir vérifié que la machine qui enregistre est lancée ! Cela n'arrive qu'une fois. J'ai si honte que je passerai la nuit à mixer pour vérifier que nous n'avons pas besoin de recommencer quoi que ce soit. Pour de multiples raisons, nous continuerons aux casques, pour mes camarades une oreille sur leur instrument l'autre dans le mix. Je n'ai plus à me préoccuper de technique : ce que j'entends est ce que vous entendrez. Du moins je crois l'entendre, car l'état second que suppose l'interprétation instantanée n'autorise l'écoute critique que plus tard.

Photos : Pierre Oscar Lévy