Ils sont fous ces Romains ! L'Orchestra di Piazza Vittorio sous la houlette de Mario Tronco et Leandro Piccioni présente une adaptation cosmopolite incroyable de l'opéra Carmen, composé par notre compatriote Georges Bizet, aux Nuits de Fourvière à Lyon jusqu'à mercredi. Le vent de nord-ouest qui soufflait sur l'Amphithéâtre Antique empêcha la troupe de déployer le rideau de scène qui devait jouer un rôle important dans la scénographie, mais les danseurs du Rajasthan de la Formation Dhoad et des Roumains de Romafest, les artistes de l'Orchestre Symphonique et du Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire joints à l'orchestre international de la Piazza Vittorio nous firent oublier la plus belle pleine lune de ces prochaines années. Elle était déjà loin quand Micaëla entama l'inattendu finale avec The Man I Love et que venaient saluer la soixantaine de protagonistes qui nous avaient enchantés par cette relecture dont les latitudes avec la tradition furent aussi nombreuses que les surprises de ce collage baroque explosif.
La fantaisie provocatrice de l'œuvre se prête merveilleusement aux libertés prises par Tronco. Entendre le duo de Don José et Escamillo chanté en indien par Sanjay Khan et en arabe par Houcine Ataa, les orchestrations où se mêlent le cymbalum et le violon roumains, les percussions indiennes, un synthétiseur, du oud, du djembe ou des cordes symphoniques tient de la route tzigane et du miracle que toute musique suggère. Si l'Italienne Cristina Zavalloni incarne une Carmen d'une énergie extraordinaire, la petite Micaëla qui justifia mon déplacement puisqu'interprétée par ma fille Elsa Birgé rappelle l'influence considérable de Bizet sur les comédies musicales de Jacques Demy et Michel Legrand. Leurs jeux sont aussi contrastés, Carmen quasiment expressionniste et Micaëla rappelant Lilian Gish dans un film de Griffith. En adaptant l'opéra Tronco fait de cette enfant pure la gagnante de ce drame de la violence faite aux femmes. Il confie aussi aux chœurs le rôle du chœur antique qui commente l'action et prodigue ses conseils depuis un Olympe perché sur échafaudage. Comme c'est devenu la coutume le texte du livret auquel Serge Valletti a prêté son concours s'affiche projeté de part et d'autre de la scène. Les airs de Bizet sont si mondialement célèbres qu'ils se prêtent à toutes les facéties, Bollywood croise le raga, la techno soutient le bel canto, les percussions corporelles hongroises rythment la danse, le chant diphonique vient se joindre à l'époustouflant melting pot rappelant l'universalité de la musique et des différentes formes que prend l'amour pour nous perdre ou nous sauver.



Vidéo de Ugo Nicolas.

P.S.: si vous ratez les représentations lyonnaises, Carmen est repris du 17 au 19 octobre à l'Opéra-Théâtre de Saint-Étienne qui a coproduit le spectacle avec les Nuits de Fourvière.