70 Musique - novembre 2014 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 28 novembre 2014

Ce soir un coup de dés jamais n'abolira le hasard


De quelle musique s'agit-il ? Personne ne le sait. Si les musiciens n'en ont pas la moindre idée, comment le public pourrait-il l'imaginer ? Pour celles et ceux qui me connaissent, rien de surprenant à jouer la surprise. Aucun concert ne ressemble au précédent. Quant à mes deux comparses, leur réputation de performeurs explosifs n'est plus à faire. Médéric Collignon chante avec des lames de rasoir dans la bouche ; rassurez-vous, c'est une image. Mais son jeu de trompette peut être des plus suaves. Tendre et cruel, réel et surréel, dirait Pierrot. À force de tordre sa guitare Julien Desprez l'a transformée en montre molle. Son jeu virtuose semble courir sur les abscisses et les désordonnées. C'est carré comme une tête sans les bosses. Pourtant ce soir ils devront se plier aux injonctions des cartes tirées par le public. Celles du jeu inventé par Brian Eno et Peter Schmidt dicteront les ambiances, susciteront des histoires sans paroles, et pourtant... Allez savoir comment nos lascars interprèteront les cartes ! Les consignes de jeu ne sont pas des contraintes, mais elles nous renvoient aux questions que chaque compositeur devrait se poser avant de se mettre à l'ouvrage. Quant à celles et ceux qui ont choisi l'instantanéité ils marchent sur un fil tendu entre la salle et la scène, s'enroule autour de l'orchestre pour les lier comme on lie une sauce, doucement, avec l'amour du cuisinier, à petit feu. Enfin je n'en sais rien, peut-être faudrait-il craindre l'incendie ? J'ai apporté des allumettes en plus de deux claviers et de toute une panoplie d'instruments bruiteurs. De quoi souffler dans le micro. Si vous n'aimez pas les sentiers battus, changez vos projets pour ce soir, oui pour l'inouï venez au Triton à 20h. Nous jouons dans la nouvelle salle, celle qui se partage entre la fosse et le balcon plongeant...

Vendredi 28 novembre à 20h
Le Triton, 11 Bis Rue Coq Français, 93260 Les Lilas (Métro Mairie des Lilas) - Évènement FaceBook


Si le poème typographique de Stéphane Mallarmé a certainement influencé notre travail, ce n'est pas du tout le texte qui sera joué ce soir ! Nos cadres sont beaucoup plus prosaïques...

mercredi 26 novembre 2014

Chansons imprévisibles


Entre les concerts du lundi 10 et du samedi 15 il y avait un jeudi 13. Linda Edsjö partie sous d'autres cieux, nous y avons consacré une séance de studio en duo, la chanteuse Birgitte Lyregaard et moi. Pas question de continuer à tirer les cartes, d'autant que j'avais encore samedi 28 avec Médéric Collignon et Julien Desprez pour Un coup de dés jamais n'abolira le hasard. Alors nous nous sommes lancés sans filet, sans épuisette, sans rien dire, ni avant ni pendant. Après, nous n'avions plus de temps. Il pleuvait. Birgitte a chanté des mélodies plutôt nordiques, improvisant en anglais, en français ou en danois. Elle s'est juste souvenue des paroles qu'Alan Jay Lerner avait écrites pour My Fair Lady. Sinon, elle invente à brûle-pourpoint des histoires de vampire sans dents, de grenouilles dans le brouillard, d'un drôle de petit poisson ou de parapluies. C'est de saison. Pas de lézard. J'ai réduit mon instrumentation à un clavier, mais les possibilités offertes par les instruments virtuels sont infinies. Les mélodies se sont imposées d'elles-mêmes. J'ai tenté de suivre en courant devant. Deux heures plus tard, c'était dans la boîte.
Chansons imprévisibles est le 59ème album en ligne, écoute et téléchargement gratuits, et mon sixième avec le rossignol copenhagois. La presse papier continue de faire la sourde oreille. Je n'y vois pourtant que du feu. Sept chansons du fond du cœur...

mardi 25 novembre 2014

Rise People, Rise !


Soirée électrique au Nouveau Casino dimanche dernier avec les rockers français Rise People, Rise ! qui assuraient la première partie autrement plus variée que les Gallois Future of The Left en tournée européenne et dont le hard punk déjanté est marqué par la musique traditionnelle de l'ouest de la grande île, sortes de Pogues hurlant à fond la caisse sur des tempi du diable.
En fait, "captivé" par la conversation avec l'ami canadien Atom Egoyan en marathon promotionnel pour la sortie de son nouveau film, je suis arrivé juste à temps pour Rise People, Rise !, n'assistant qu'à la prestation (d)étonnante des trois Français, power trio dont la puissance de frappe n'écrase jamais la richesse des timbres. Le bassiste Fred Talbot assure la stabilité vrombissante de la machine de guerre tandis que les chorus du guitariste Johan Toulgoat, plus teintés de West Coast héroïque que de pop british, développent les mélopées du chanteur-batteur Lucas de Geyter, tête chercheuse de l'orchestre. Pour leur Rise-Rock ou Heavy Art-Punk comme ils se définissent avec peine, Lucas joue des changements de tempo et de rythmes, tranchant dans le lard, hurlant des vers revendicateurs en anglais d'une voix dont le style pourrait évoquer Scott Walker si le crooner américain avait commencé jeune ses inaltérables hymnes effilés.
C'est peut-être par cette utilisation de la langue anglaise que le bât blesse. Éternelle question chez les rockers européens. Chanter en anglais banalise ici leur démarche pourtant originale qui se revendique de la transe du Post-Punk avant-gardiste, du Métal, des blousons noirs, de Brecht et du Baroque. Leur appel à l'insurrection tombe à plat si l'on comprend mal les paroles. Pire, s'inféoder à la culture anglo-saxonne lorsque l'on se réclame d'un futur révolutionnaire est une erreur politique. Du moins lorsque ce choix est exclusif. Car on peut parfaitement imaginer que des musiciens de cette envergure, capables d'autant de diversité, de rage et de cohésion, auraient tout à gagner à chanter en français. La place vacante laissée par Noir Désir est à prendre. Et cela commence à faire long !

lundi 24 novembre 2014

Birgé-Collignon-Desprez vendredi soir au Triton


Un coup de dés jamais n'abolira le hasard. Je n'ai jamais joué avec le trompettiste-chanteur Médéric Collignon ni avec le guitariste Julien Desprez. Si nous n'avons pas répété une seconde, nous avons déjeuné ensemble, mais jamais tous les trois réunis. Il est plus important de connaître l'intimité des contextes de chacun que de se figer dans des relations professionnelles où les rôles sont fixés à l'avance. La quatrième version de cette acrobatie musicale se tient donc vendredi soir à 20h dans la nouvelle salle du Triton aux Lilas. Les thèmes de nos compositions instantanées, appelées communément improvisations, sont tirés au hasard par le public d'après le jeu de cartes inventé en 1975 par Brian Eno et Peter Schmidt.
En mars dernier j'avais inauguré l'opération en studio avec la pianiste Ève Risser et le flûtiste Joce Mienniel pour l'album Game Bling (en écoute et téléchargement gratuits sur drame.org). Ce mois-ci je réitérais l'expérience à Radio France pour l'émission À l'improviste et à l'Atelier du Plateau avec la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard et la vibraphoniste Linda Edsjö. La sensibilité de chacune ou chacun colore les interprétations de manière extrêmement différente. Les cartes ne sont pas censées fabriquer des contraintes, mais ouvrir vers de nouvelles perspectives. Il y en a plus d'une centaine dans le paquet. Leur lecture est chaque fois transformée par les pièces précédemment jouées.

N.B. : D'habitude je préviens le jour du concert, mais comme c'est la dernière d'une série et que les réservations sont un peu timides je préviens cette fois quelques jours à l'avance pour que vous ayez le temps de vous retourner ;-)

vendredi 14 novembre 2014

Birgé-Edsjö-Lyregaard à l'Atelier du Plateau samedi soir


La chanteuse danoise Birgitte Lyregaard est rarement à Paris. C'est une occasion exceptionnelle de l'entendre, dans d'excellentes conditions et pour un spectacle irreproductible. En effet, si vous avez adoré le concert de lundi à Radio France celui de demain soir à l'Atelier du Plateau sera totalement différent puisque les thèmes des pièces sont tirés chaque fois au hasard devant le public, grâce au jeu de cartes inventé par Brian Eno et Peter Schmidt. Ensuite nous improvisons, terme que j'ai toujours préféré remplacer par "composition instantanée" puisqu'il s'agit de réduire au maximum le temps entre composition et interprétation. Dans ce cas de figure c'est vraiment de l'acrobatie ! Et puis, si vous avez raté lundi il est encore temps de vous rattraper, car il reste quelques places.
Pour cette deuxième représentation de Un coup de dés jamais n'abolira le hasard j'ai donc invité Birgitte Lyregaard et la percussionniste suédoise Linda Edsjö qui jouera essentiellement du vibraphone et du marimba. De mon côté je serai au clavier entouré de drôles de machines tels le Tenori-on qui produit de la lumière lorsqu'on le programme ou le H3000 qui transforme les sons et les voix en temps réel. Comme j'aime le mélange des sons acoustiques et électroniques je serai susceptible de me servir de ma trompette à anche, de flûtes, guimbardes et d'autres petits objets sonores. Les cartes en décideront !
À l'Atelier du Plateau la proximité du public crée une intimité dont nous pourrons jouer allègrement. D'autant que l'accueil est chaleureux, la cuisine excellente (oui, on peut y manger) et l'ambiance quasi magique.

À 20h, Atelier du Plateau, 5 rue du Plateau, 75019 Paris - 01 42 41 28 22 - entre 6 et 12 € selon l'âge et les éventuelles réductions... Évènement FaceBook

Photo © Christian Taillemite

mardi 11 novembre 2014

André Abujamra travaille du chapeau


Gavés de musique anglo-saxonne sans perdre pour autant de vue la chanson française, nous passons souvent à côté de ce qui se joue sur les autres continents. Et lorsqu'ils sont évoqués, ce sont presque toujours les mêmes artistes à bénéficier des services de promotion des majors. De mon côté, ici et ailleurs, je suis toujours à l'affût de trucs brintzingues qui sortent de l'ordinaire. Lorsqu'on a commencé par Zappa et Beefheart en 1968, enchaîné illico avec Sun Ra et Harry Partch, exhumé Charles Ives et remonté l'Histoire de la Musique jusqu'aux percussions sur os de mammouth, on est forcément difficile à surprendre. Une découverte en entraîne souvent une autre. Il suffit de dérouler le fil comme une anadiplose pour que le collier de perles ne se referme jamais.
Pourtant je ne me souviens pas comment je suis tombé sur les Brésiliens de Karnak il y a vingt ans. Leur premier album était un incroyable melting-pot de pop, rock et de musiques du monde entier, polyglotte et hirsute. Le compositeur et chef d'orchestre André Abujamra, d'origine libanaise, y pratiquait le cut et l'ellipse comme personne, lançant chaque morceau sur une fausse piste avant d'attaquer des orchestrations aux combinaisons de timbres inédites sur des rythmes ébouriffants. Les alliages sont si inattendus que je risquerais une analogie avec la nouvelle cuisine, mais certainement pas à déguster assis. Au Brésil la danse est partout.


Internet offrant des ressources illimitées, j'ai récemment découvert les deux albums suivants de Karnak, Universo Umbigo (Le nombril de l'univers, 1997) et Estamos Adorando Tóquio (Nous adorons Tokyo, 2000), suivis des trois albums solos d'André Abujamra, O Infinito de Pe (2004), Retransformafrikando (2007) et Mafaro (2010) et précédé de Música e Ciência, réalisé avec son premier groupe, Os Mulheres Negras. Le documentaire O Livro Multicolorido de Karnak (2006) est un montage de leurs concerts entrecoupés d'interventions parlées délirantes. Les musiciens étant particulièrement aguerris comme chez Spike Jones, ils osent tous les outrages en pratiquant allègrement le pastiche, tordant le cou aux citations dont ils ne se privent pas, avec la tendresse indispensable de l'imitateur pour ce qu'il aime. Malgré les références aux nombreuses cultures de la planète glanées par Abujamra au cours de ses voyages, il réfute le terme de world music. L'arabe, le fārsi, le russe, le français, le créole, l'anglais, l'allemand, l'espagnol, le portugais, les chants Tuva, les accents outrés, les séquences parlées dessinent un atlas mondial dont le centre est São Paulo, un univers où le rythme fait loi. Si ses mélanges fortement épicés auront probablement inspiré Balkan Beat Box, La Caravane Passe et bien d'autres à sa suite, les compositeurs classiques avant eux n'ont jamais rechigné à jouer des arabesques et des espagnolades, ou à faire les pitres avec beaucoup d'esprit comme Rossini, Saint-Saëns ou même Schönberg. Doué pour mettre en ondes ces petites comédies musicales, André Abujamra a composé la musique d'une trentaine de films. On le retrouve aussi technoïde sous le pseudonyme Fat Marley avec l'intéressant New Old World : Future Sound (2002). Mais aucun album ne joue autant des ruptures et des effets dramatiques que le Karnak de Karnak, comme si on se gargarisait avec brut de brut !

lundi 10 novembre 2014

C'est ce soir, c'est gratuit, c'est génial !


J'insiste lourdement, mais c'est ce soir à 19h que nous mettons nos titres en jeu. C'est le cas de le dire puisque nous tirons les thèmes fictionnels ou conceptuels de nos improvisations d'après le jeu de cartes inventé par Brian Eno et Peter Schmidt. Mais en fait pas tout de suite, car nous jouons après le duo formé par la contrebassiste Joëlle Léandre et le percussionniste Jean-Pierre Drouet, première partie dont on peut imaginer qu'elle produira des étincelles... Quant à notre trio formé avec Birgitte Lyregaard et Linda Edsjö on peut s'attendre à tout, donc à rien. "Ne rien faire" est d'ailleurs une des cartes du jeu ! Si nous tombons sur Sortez en fermant la porte, quitterons-nous le Studio 106 de Radio France ou devrons-nous interpréter dramatiquement ce verdict ? Le projet s'intitule Un coup de dés jamais n'abolira le hasard. Birgitte chante, Linda joue du vibraphone et du marimba, je fais comme d'habitude l'homme-orchestre avec ma panoplie d'instruments virtuels ou physiques. Ensemble nous comptons bien nous amuser (puisque les musiciens ont le privilège de "jouer") et faire partager au public nos élucubrations musicales. Il y a un évènement FaceBook, mais il faut réserver ou s'y pointer une demi-heure avant, mais attention c'est dans la limite des places disponibles.

vendredi 7 novembre 2014

Concert gratuit lundi 19h à Radio France, Studio 106 : Léandre/Drouet --- Birgé/Edsjö/Lyregaard


Pour lundi 10 novembre : réservez sur le site de la Maison de Radio France ou retirez vos places 1/2 heure avant l'enregistrement, porte B, l'entrée étant libre dans la limite des places disponibles. Le concert commence à 19h au Studio 106 avec un duo exceptionnel composé de la contrebassiste Joëlle Léandre et du percussionniste Jean-Pierre Drouet. Nous enchaînons en trio à l'occasion de cet "À l'improviste" d'Anne Montaron dont l'émission sera diffusée ultérieurement sur France Musique.

C'est pour nous la première d'une série de concerts que j'ai imaginés sous le titre Un coup de dés jamais n'abolira le hasard en référence au poème typographique que Stéphane Mallarmé écrivit en 1897, déjà cité sur le premier disque d'Un Drame Musical Instantané. Le concert de lundi prochain voit mes retrouvailles avec la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard et la percussionniste suédoise Linda Edsjö. Tous les trois avions créé La chambre de Swedenborg au Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg en janvier 2012. Le déménagement de Birgitte à Copenhague avait écourté l'expérience merveilleuse de El Strøm, trio formé avec le multi-instrumentiste Sacha Gattino ; ensemble nous avions produit trois albums, improvisations libres de Sound Castle et Fresh 'n Chips, chansons de Fluctuat Nec Mergitur. Birgitte et Linda avaient enregistré de leur côté un délicat et séduisant album à partir des textes de la poétesse Inger Christensen intitulé Inger. Si j'évoque nos aventures musicales antérieures, je devrais souligner l'amitié qui nous lie, car l'exercice auquel nous allons nous livrer ne peut exister que dans la plus grande complicité et la plus franche camaraderie.

Notre trio tirera au hasard devant le public le sujet de nos improvisations grâce au jeu de cartes inventé par Brian Eno et Peter Schmidt. Quelques exemples qui ne seront probablement pas joués ce soir : Mettez l'accent sur vos défauts, Changez de vitesse, Soyez extravagants, Posez le problème en termes clairs, Résistez au changement, Soyez crades, Manque-t-il quelque chose ?, etc. L'improvisation n'est pas un genre. C'est ramener au plus court le temps entre composition et interprétation. Toute ressemblance avec des musiques existantes ne saurait être fortuite, mais la liberté d'inventer ne peut qu'initier des scénarios inouïs. Linda jouera du vibraphone, du marimba et des percussions, Birgitte sera notre rossignol polyglotte et je serai assis devant mon clavier entouré d'instruments électroniques et de quelques jokers acoustiques. J'ai sacrément la trouille !

Évènement FaceBook / Photo © Sonia Cruchon

P.S. : samedi prochain 15 novembre le trio sera à nouveau réuni à l'Atelier du Plateau pour de nouvelles pièces puisque nous nous plierons au même exercice. Enfin, le 28 novembre au Triton je serai confronté au même programme (same same but different), mais cette fois avec deux garçons, le trompettiste Médéric Collignon et le guitariste Julien Desprez. Autant préciser qu'aucun de ces trois concerts ne se ressemblera.