Croit-on encore que le petit oiseau va sortir quand Bird glisse son œil à la caméra ? C'est un plan fixe et muet, contrechamp et contretemps des seules secondes synchrones que l'on pensait avoir de Charlie Parker jouant à l'image. Il y a quelques années la technologie a permis de resynchroniser deux morceaux complets, enregistrés en studio et filmés sans le son dans le studio du photographe Gjon Mili. La photo prise par Paul Nodler fait partie des 54 inédites de 1950 réalisées lors de cette Mili's Session où Charlie Parker et Coleman Hawkins interprètent ensemble Ballade avec Hank Jones au piano, Ray Brown à la basse et Buddy Rich à la batterie, suivi de Celebrity avec seulement l'oiseau à l'alto où ses yeux laissent filtrer quantité d'expressions...


Sur le double DVD Improvisation présenté par Norman Granz, lors de cette Mili's Session on trouvera également Ad Lib par le trio sans les souffleurs, rejoints ensuite par Lester Young au ténor et Bill Harris au trombone sur Pennies From Heaven, remplacés enfin par Ella Fitzgerald, le trompettiste Harry "Sweets" Edison et le ténor Flip Phillips sur Blues For Greasy. Le reste des séances figurent Duke Ellington à la Fondation Maeght en 1966 pour un Blues For Juan Miró avec l'artiste catalan lui montrant ses sculptures, Count Basie au Festival de Montreux en 1977 ainsi que Oscar Peterson avec les trompettistes Dizzy Gillespie et Clark Terry, puis Joe Pass en 1979, Ella Fitzgerald la même année, un portrait de Norman Granz par Nat Hentoff, des rushes de la Mili's Session, des entretiens et Jammin The Blues, le premier film de Granz et Mili de 1944 avec Lester Young, Red Callender, Harry Edison, Barney Kessel, Jo Jones, Illinois Jacquet, Marie Bryant, etc. !


Une autre photo de Nodler m'a intrigué. Bird dort, couché sur une table, son corps tordu, posé comme un saxophone. Le rideau suggère un nouveau contrechamp, renvoyant à l'inconfort d'une époque où la ségrégation raciale était encore légalement en vigueur dans plus de la moitié des États-Unis.