Ayant reçu quantité de livres sur la musique, j'ai eu un peu de mal à tracer mon chemin entre les biographies alimentaires et celles rédigées par le menu, les autobiographies impudiques et les réécritures de l'Histoire... Ayant toujours préféré les "livres de" plutôt que les "livres sur", j'ai plus facilement adhéré à l'autobiographie de Brian Wilson avec en mémoire le bouleversant biopic Love & Mercy que lui avait consacré Bill Pohlad que la énième biographie copiée-collée sur John Coltrane intitulée platement L'amour suprême. J'ai malgré tout eu du mal à venir à bout des confessions de la star déglinguée des Beach Boys comme du premier volume (1940-1971) des Extravagantes aventures de Frank Zappa qui forcément m'intéressaient plus. Wilson décrit avec moult détails chaque chanson et album qui ne sont pas tous des chefs d'œuvre et raconte avec sincérité sa descente aux enfers, d'autant qu'il se confie là à Ben Greenman après la sortie du film. De même, Christophe Delbrouck décortique chronologiquement le quotidien au jour le jour de l'idole de ma jeunesse de manière telle que cela en devient fastidieux. De plus, je suis frustré de constater que les épisodes que je connais le mieux, les festivals d'Amougies et Biot-Valbonne ou le premier concert à l'Olympia par exemple, sont bâclés alors que les passages de Zappa en France à cette époque en diraient long sur l'évolution musicale des Mothers of Invention. J'ai tout autant de difficulté à lire le roman de Roland Brival sur Thelonious Monk malgré les illustrations réalisées à la craie par Bruno Liance qui lui confèrent une distance poétique certaine, comme sur un trottoir. Peut-être est-ce un rejet global de la part de ma bibliothèque musicale qui croule sous les ouvrages dont certains m'apparaissent comme incontournables alors que d'autres ne font que passer, mais j'ai souhaité entrer dans le nouveau siècle en laissant derrière moi les découvertes du précédent...
Pourtant le pavé encyclopédique de Jean-Noël von der Weid, La musique du XXe siècle, retient mon attention, tout simplement parce que je le consulte comme un dictionnaire et y découvre quantité de compositeurs que j'ignorais ou des détails sur certains que je pensais connaître. Les 720 pages ont le mérite d'être bien écrites, avec toujours un point de vue personnel, ce qui est rare, eut-il été sévèrement critiqué lors de sa première édition en 1992 et critiquable encore aujourd'hui pour la cinquième. Si j'y vois les manques habituels relatifs au monde de la musique dite savante, soit une attitude de classe privilégiant le sérail au détriment des inventeurs œuvrant dans les musiques dites populaires, est-il possible de contourner l'obstacle que représente toute encyclopédie ? Quoi qu'il en soit, La musique du XXe siècle ouvre des portes aux musiciens qui avancent dans le XXIe, qu'ils suivent l'orthodoxie de ce monde terriblement hiérarchisé ou qu'ils s'y intéressent parce que cette Histoire représente une mine inépuisable. Les amateurs y trouveront également leur compte, Jean-Noël von der Weid se donnant toujours le mal de communiquer à plusieurs niveaux de connaissances, avec beaucoup d'intelligence et même un soupçon de poésie.
On complétera ces informations en recourant à d'autres sources comme ce blog, celui de Jean-Jacques Palix, le site Citizenjazz, le magazine Revue & Corrigée, Le Son du Grisli, le Journal des Allumés du Jazz, démarches qui n'ont rien de simple tant elles se sont taries, les rubriques disparaissant les unes après les autres des quotidiens, hebdomadaires, mensuels, etc. Il est loin le temps où Daniel Caux explorait toutes les musiques sans distinction, où les revues Musique en Jeu, L'Art Vivant, voire Le Monde de la Musique à sa création, nous ravissaient. La presse musicale française est un désert où les rares oasis ont été privatisées.
Sur ma photo on voit La France Underground (1965-1979) de Serge Loupien que m'ont conseillé les disquaires du Souffle Continu et qui ne manquera pas non plus de me passionner tout en m'énervant un peu, mais je n'ai pas encore eu le temps de m'y plonger, accaparé par mes propres compositions musicales auxquelles je donne la priorité sur mes chroniques quotidiennes dans cette colonne, ce qui n'est pas une mince affaire pour ne pas faillir à mon rendez-vous quotidien avec vous, vous toutes et tous à qui je souhaite une meilleure année, on y reviendra !

→ Jean-Noël von der Weid, La musique du XXe siècle, ed. Pluriel, 20,20€
→ Serge Loupien, La France Underground (1965-1979, Free Jazz et Rock Pop, Le temps des utopies), ed. Rivage Rouge, 23€
→ Brian Wilson avec Ben Greenman, I am Brian Wilson (Le génie derrière les Beach Boys), ed. Castor Astral, 24€
→ Roland Brival, Thelonious, illustr. Bruno Liance, ed. Gallimard, 23€
→ Christophe Delbrouck, Les extravagantes aventures de Frank Zappa (Acte 1), ed. Castor Astral, 24€
→ Franck Médioni, John Coltrane (L'amour suprême), ed. Castor Astral, 20€

P.S.: J'ajoute deux petits fascicules très sympas publiés par Lenka Lente : Antonin Artaud Ci-gît avec un mini-CD inédit de Nurse With Wound (9€) et Guillaume Belhomme D'entre les morts avec un mini-CD de Daniel Menche (9€)... J'ai le même problème avec le Eric Dolphy de Belhomme qu'avec la plupart des biographies, même si c'est un bon boulot (15€)... Enfin, je n'ai pas encore chroniqué le troisième volume d'Agitation Frite de Philippe Robert (27€) sur lequel j'essaierai de revenir...