Partageant avec Sylvain Rifflet mon engouement pour le dernier disque d'Ambrose Akinmusire intitulé Origami Harvest, il me suggère ardemment d'écouter Code Girl, celui de la guitariste Mary Halvorson auquel participe également le trompettiste.
Le premier fait partie de ces disques aux multiples influences comme je les aime, entendre Frank Zappa, Michael Mantler, Tony Hymas, John Zorn, ou, encore plus évidents, les albums Forever Changes de Love, Escalator Over The Hill de Carla Bley, Skies of America d'Ornette Coleman, The Carnival de Wyclef Jean, Speakerboxxx/The Love Below d'Outkast, Welcome To The Voice de Steve Nieve et quelques autres disques d'arrangeurs zélés mêlant rock, jazz, rap, orchestre classique, etc. Origami Harvest réunit ainsi l'élégant Ambrose Akinmusire, le rappeur Kool A.D., le quatuor à cordes Mivos, le claviériste Sam Harris, le batteur Marcus Gilmore et quelques invités comme le saxophoniste Walter Smith III. L'album est à la fois entraînant et revendicatif, lyrique et romantique. Akinmusire a choisi de cultiver les oppositions : masculin et féminin, art savant et populaire, libre improvisation et contrôle compositionnel, ghettos et américanisme... Je l'écoute en boucle, aussi bien hyper concentré que sans y prêter attention.
Code Girl est plus heurté, mais surtout plus jazz, par l'expression individuelle des protagonistes. Pour ce double album, Mary Halvorson est devenue auteur en plus de son rôle de compositrice, paroles poétiques chantées par Amirtha Kidambi soutenue par la guitariste, le bassiste Michael Formanek, le batteur Tomas Fujiwara et donc Ambrose Akinmusire à la trompette. Là où celui-ci peignait des fresques grandioses comme les paysages qu'offrent les grands parcs américains, celui de Mary Halvorson se replie sur la chambre, ligne claire souvent représentée par Bill Frisell. Musique d'appartement par la diversité des pièces plutôt que musique de chambre, Code Girl surprend au cours de la visite par certains recoins cachés plus modernes. Je vibre évidemment beaucoup plus en sympathie avec la pièce montée baroque Origami Harvest qu'avec cette belle unité de style...
Comme je connaissais mal ces deux artistes je reviens sur leur passé et me rends compte que ces deux albums marquent un tournant fondamental dans leur histoire, leurs précédents sonnant plus banaux à mes oreilles. Comme Double Negative de Low il y a peu, je me demande si ces deux petites merveilles sont d'heureux accidents de parcours ou un renouveau annonçant de futurs étonnements...

→ Ambrose Akinmusire, Origami Harvest, CD Blue Note
→ Mary Halvorson, Code Girl, 2 CD Firehouse 12 Records, dist. Orkhêstra