70 Musique - juin 2022 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 29 juin 2022

Meïkhâneh, chants du dedans et du dehors


Il y a longtemps, longtemps, dans une autre vie, je ne comprenais pas pourquoi des musiciens adoptaient une culture qui n'était pas la leur. Qu'ils jouent du jazz à l'image des Afro-Américains, du tango argentin ou des airs inspirés des Balkans, cette appropriation transcontinentale m'interrogeait. À la même époque, je ne saisissais pas plus l'intérêt d'interpréter des morceaux classiques qui avaient été enregistrés par les meilleurs. J'étais jeune et fougueux, ne jurant que par l'invention contemporaine et l'expression la plus personnelle. Cela ne m'empêchait nullement d'apprécier tous les genres de musique sans aucune exception, mais je privilégiais les authentiques, les fondateurs dont les motivations sont dictées par les phénomènes historiques auxquels ils sont directement confrontés. J'ai heureusement tempéré cette exclusivité, car les désirs et les rêves sont aussi variés que les voix d'ailleurs sont impénétrables. Savons-nous réellement d'où nous venons dans les temps immémoriaux, quels chemins nous avons empruntés et vers où nous dirigent nos pas ? Que ma fille chante des airs grecs, italiens, siciliens, ladinos, russes, anglais sur des orchestrations originales du trio à cordes qui l'accompagne y est forcément pour quelque chose...


Meïkhâneh, le groupe qui est à l'origine de cette confession a d'ailleurs environ le même âge qu'Odeia, une dizaine d'années, et à peu près le même nombre de disques à leur actif, puisque c'est leur troisième. S'ils ont en commun le français et le grec, leur répertoire s'inspire surtout de Mongolie, d'Iran, du Portugal et se construit autour d'une langue imaginaire. J'ai été immédiatement séduit par la voix de Maria Laurent (luth tovshuur, vièle morin khuur) et le chant diphonique khöömii de Johanni Curtet (guitare, luth dombra), auquel s'ajoutent les percussions de Milad Pasta (zarb, daf, udu). Pour le disque Chants du dedans, Chants du dehors, ils ont invité Pauline Willerval (gadulka, violoncelle) et Dylan James (contrebasse) à se joindre à eux. En lisant la traduction des paroles dans le livret du CD, se dévoile ce que la musique suggérait, à la fois une quête intérieure des profondeurs de l'âme et un œil vers les étoiles. Il y est question de déplacements dans l'espace et dans le temps, histoires de caravaniers, de navigateurs, de parfums apportés par le vent. La musique est un art du voyage. Sans les renier, par son langage universel, elle permet de s'affranchir de ses propres racines en les bouturant avec d'autres essences. Les bourgeons de Meïkhâneh sont magiques, à la fois lyriques et rythmiques, empruntant des chemins de traverses qui nous mènent vers des contrées qui n'existent que dans l'imagination des artistes. Cette "maison de l'ivresse" porte bien son nom persan.

→ Meïkhâneh, Chants du dedans, Chants du dehors, CD Buda Musique & Cas Particuliers, dist. Socadisc

mardi 28 juin 2022

Pigments & The Clarinet Choir


Léon-Gontran Damas' Jazz Poetry, sous-titré A Call & Response, du groupe Pigments & The Clarinet Choir, est le genre de disque qui attire instantanément mon attention, parce qu'il véhicule des idées extramusicales qui riment avec la révolte, arrière-pensées mises en avant qui poussent le rythme et font sonner les harmonies. Parfois cela ne prend pas, par exemple lorsque texte et musique ne s'influencent pas véritablement. Le plaquage n'a rien du brut. Mais lorsque, comme ici, ils procèdent du même élan, alors la magie opère, galvanisant les énergies et redonnant espoir d'un monde meilleur.
Il est d'abord nécessaire de rappeler qui est le poète Léon-Gontran Damas, écrivain et homme politique français né en 1912 à Cayenne et mort en 1978 à Washingron, DC. Avec Aimé Césaire et Léopold Senghor il est l'un des fondateurs du courant littéraire de La Négritude, mouvement anticolonialiste et antiassimilassionniste. Je n'avais jamais entendu parler de lui avant que Christiane Taubira ne le cite brillamment lors de son discours introductif aux débats sur le mariage pour tous à l'Assemblée Nationale en janvier 2013. J'avais été alors impressionné, mais j'ai vite déchanté en découvrant cette femme politique autoritaire encensée par les socialistes mous, dont les quelques citations apprises par cœur avaient, au fil des années, fini par sonner particulièrement démagogiques à mes oreilles dubitatives. Je préfère donc reprendre le texte original de l'écrivain, creuser mon propre chemin, cette fois guidé par des musiciens dont la sincérité s'entend à chaque plage. Toujours remonter aux sources, me rappelait sans cesse Jean-André Fieschi.
C'est ce que fait le pianiste Guillaume Hazebrouck en composant pour le groupe Pigments & The Clarinet Choir et partageant la direction artistique du projet avec le slameur Nina Kibuanda, originaire de Kinshasa au Congo, tandis que Sika Fakambi demande à différents auteurs des textes en réponse à ceux de Damas pour qu'ils figurent dans le livret. Le bassiste Olivier Carole slape magnifiquement et prend souvent le relais du piano, mais c'est le beatbox du clarinettiste Julien Stella qui m'emballe lorsque les scratches vocaux se mêlent aux paroles scandées. L'orchestration est étonnante puisque se joignent à eux deux autres clarinettistes, Olivier Thémines et Nicolas Audoin.


Piano, basse et trois clarinettes. Le style d'Hazebrouck s'inspire autant du jazz que de la musique classique contemporaine, échappant aux poncifs des deux genres. Il se réclame d'ailleurs d'Andrew Hill, Henry Threadgill, Frederico Mompou, Charles Ives et Helmut Lachenmann, compositeurs tous plus ou moins marginaux dans leurs secteurs respectifs. Ses tourneries rythmiques vous happent comme un typhon vertigineux alors que la basse vous fouette le visage de ses embruns brûlants. Le slameur n'en fait pas des tonnes, il est juste, à sa place, servant le texte en s'appuyant sur la musique. Les clarinettes amplifient le timbre au besoin. Le disque peut s'écouter à plusieurs niveaux, en suivant la poésie de Damas, l'entrain du groupe ou en se concentrant sur l'osmose paroles et musique. Que je le remette plusieurs fois de suite sur la platine est le meilleur des signes.

→ Pigments & The Clarinet Choir, Léon-Gontran Damas' Jazz Poetry, A Call & Response, CD Yolk Music, dist. L'autre distribution

lundi 27 juin 2022

L'Apothicaire présente notre Fictions, sérigraphie d'Ella & Pitr


L'Apothicaire est le sérigraphe de la pochette de mon dernier disque, un superbe vinyle composé avec le saxophoniste lyonnais Lionel Martin. Si je me souviens bien, ce sont huit passages de couleurs qu'a nécessités la peinture d'Ella & Pitr. Cet autre duo avait déjà décoré ma maison d'une fresque murale représentant un trompettiste en short et d'un ange majestueux chutant dans l'escalier. Merci à Geoffrey Grangé, Jérôme Pruniaux, Rémy Porcar et à mes deux amis graphistes stéphanois pour leur magnifique création...


J'insiste auprès des amateurs de ma musique, mais aussi de ceux qui la pensent, avec raison, complexe, intellectuelle ou narrative : ce 33 tours est une merveille dont je suis extrêmement fier. Il est différent de tout ce que j'ai fait jusqu'ici. Les cinq pièces sont envoûtantes, quasi hypnotiques ou psychédéliques. Dans l'extrait choisi par L'Apothicaire, on entend le ténor, une guimbarde excitée par un électro-aimant et le Lyra-8, un synthétiseur russe. Le sérigraphe s'est amusé à réaliser un petit clip sur la confection de la sérigraphie. La pochette se ferme par un astucieux système magnétique. Le label Ouch! a choisi de ne le presser qu'à 300 exemplaires tous numérotés. On peut en avoir un avant-goût sur Bandcamp par exemple et l'y commander facilement. C'est actuellement le meilleur site de vente de disques tant pour les vendeurs que pour les acheteurs.

jeudi 16 juin 2022

Zounds! What Sounds!


Sacha Gattino, qui connaît mon appétit pour les trucs bizarres, [m'avait] fait écouter un album incroyable enregistré sur Capitol en 1962 par Dean Elliot, un compositeur de musiques de dessins animés avec à son actif Mister Magoo dont j'étais fan dans mes toutes premières années (souvenir rapporté dont je ne garde aucune trace), Tom & Jerry, Bugs Bunny ou ceux du Dr Seuss... Mais l'association avec le fameux animateur Chuck Jones est postérieure à Zounds!What Sounds!, l'album de Dean Elliot and his swinging BIG BIG BAND!! Sa couverture indique : A Sonic Spectacular Presenting MUSIC! MUSIC! MUSIC! With these special Percussion Effects! Cement Mixer, Air Compressor, Punching Bag, Hand Saw, Thunderstorm, Raindrops, Celery Stalks (the crunchiest), 1001 Clocks, Bowling Pins and Many Many More!!. Le compositeur de Space Age Pop s'est adjoint l'aide du bruiteur Phil Kaye pour mêler à son orchestre lounge des effets sonores stéréo décoiffants qui nous font irrémédiablement penser à Spike Jones.


Écoutez aussi son Lonesome Road !
Lors de cet article du 10 janvier 2010, j'écrivais que souvent, écoutant certains compositeurs, j'aurais adoré que l'on me propose plus souvent d'ajouter des sons concrets ou électroniques à leurs orchestres ou à leurs chansons, mais, contrairement à Dean Elliot dont les excentricités sont exclusivement plastiques, je travaille toujours dans une optique dramatique, entendre théâtrale, qui sert le sens de l'œuvre. J'aurais voulu être le Airto Moreira bruitiste de la nouvelle musique, saupoudrant de persil ou de piment la cuisine inventive de mes collègues musiciens. Un autre de mes fantasmes eut été d'improviser l'ambiance musicale d'un show style Nulle Part Ailleurs avec des ponctuations corrosives bien à propos. J'imagine un duo interventionniste avec Sacha, lui en percussionniste gagman et moi dans un traitement épique environnemental... Juste une idée.

vendredi 10 juin 2022

*** avec Fabiana Striffler et Csaba Palotaï


Chacun/e avait apporté cinq recettes de cuisine ou souvenirs culinaires. À tour de rôle, ce 7 juin 2022 (c'était mardi), nous avons annoncé le menu. Dans l'ordre du jeu :
#1 Götterspeise
#2 Un café serré à Rome, à 4 h du matin juste avant l'aube, sur un toit-terrasse
#3 Ail noir
#4 Rollmops
#5 Màkostészta
#6 Mon pâté de foie
#7 Blutwurst
#8 Tacos à Mexico City dans le quartier Coyoacan
#9 Sorbets et crèmes glacées
#10 Kalter Hund
#11 Hot dog à Times Square
#12 Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit c’est discuter beaux-arts avec un abruti
#13 Zwieback mit Bananen
#14 Töltött paprika
#15 Phở.
La violoniste allemande Fabiana Striffler était évidemment à l'origine de #1 (dessert à la gélatine plein de couleurs) / #4 (hareng mariné) / #7 (boudin noir) / #10 (sorte de gâteau au chocolat) / #13 (biscotte avec bananes, un truc pour les enfants malades).
Le guitariste hongrois Csaba Palotaï, plus cosmopolite, avait choisi #2 / #5 (pâtes au pavot) / #8 / #11 / #14 (poivron farci).
De mon côté, j'apporte des trucs que je sais bien faire : #3 L'ail noir évidemment / #6 (faire cuire 500g de foie de volaille et 350g de beurre salé dans du vin blanc, passer au mixeur avec un petit verre de cognac par exemple et des herbes, attendre 24 heures au réfrigérateur) / #9 (je suis abonné à Berthillon) / #12 (la devise de la famille) / #15 (un hit à la maison, improvisation jamais identique).


Comme chaque fois que je pique-nique au labo, les titres sont des prétextes. Il n'empêche que la densité du menu se fait sentir à l'écoute ! C'est copieux, varié et forcément délicieux. Fabiana est venue avec deux violons dont un qu'elle accorde différemment. Csaba a apporté sa Telecaster et son Organelle. Je trône au milieu de mes instruments, la plupart électroniques, mais j'ai sorti aussi la trompette à anche, des flûtes, des guimbardes, un harmonica, des percussions, ma shahi-baaja et le frein. Dans la dernière pièce j'ai prêté l'arbalète de Bernard à Fabiana qui hallucinait.


J'avais déjà préparé la pochette avec une photo de ravioles de navet cru farcies de caille, émulsion d'escabèche et légumes, prise en 2016 au restaurant Er Occitan à Bossost en Espagne. *** m'a paru un titre amusant pour notre trio all stars ! L'album, en écoute et téléchargement gratuits sur drame.org, est aussi sur Bandcamp, comme la plupart des disques virtuels produits dans ces conditions. Il présente les quinze compositions instantanées in extenso dans l'ordre où nous les avons jouées. J'ai appris que l'Ircam appelait cela comprovisation ! C'est pas mal. Je trouve cela drôle. Donner le nom à ce que nous produisons les uns et les autres depuis plus d'un demi-siècle, est tout de même une manière de s'approprier des pratiques desquelles ils étaient passés à côté, et d'en faire tout un foin, comme l'aspirotechnie pour l'ancestral souffle continu.


Ces rencontres sont un véritable plaisir. Je retrouve mon âme d'enfant comme lorsque je me vautrais par terre avec mes jouets, et les parties de rigolade avec ma petite sœur et mes copains. L'idée est de jouer pour se rencontrer et non le contraire comme nous en avons l'habitude. C'est chaque fois rechercher la passion des débuts lorsqu'il n'y avait aucun autre enjeu que le plaisir. Ce n'est pas un hasard si j'avais inscrit sur ma carte de visite la phrase de Jean Cocteau, "La matin ne pas se raser les antennes". Ensemble, c'est encore mieux.
Lorsque j'enregistre je suis dans un état second. J'entrevois ce que nous avons fait au mixage et je le découvre véritablement lorsque je le mets en ligne. C'est ce qu'on appelle partager, avec mes invités d'abord, avec vous ensuite. Dans mon métier, dans ma vie, c'est ce que j'aime le plus.

→ Birgé Palotaï Striffler, *** sur drame.org et Bandcamp

mercredi 8 juin 2022

Sun Ra continue à appeler la Terre


J'avais déjà signalé Space is the Place, le DVD du long-métrage de science-fiction très bizarre de John Coney avec Sun Ra, que m'avait indiqué Étienne Brunet, un cocktail black power et free jazz aussi ringard que fascinant.


Cette fois Gary May m'envoie ce clip d'un quart d'heure que j'ignorais, light-show psychédélique réalisé avec le synthétiseur visuel de Bill Sebastian, l'Outerspace Visual Communicator ! Inventé en 1978, l'instrument est équipé d'un doigt électronique et de 400 touches contrôlant couleurs, symétries et mouvements. Le "peintre" manipule ainsi ses rotations, compressions, zooms, etc.
Le clip a été réalisé au Mission Control de Boston en 1986 avec Sun Ra (claviers, voix) et son Arkestra : Ra-keyb (voix), Al Evans et Fred Adams (trompette), Tyrone Hill (trombone), Marshall Allen (sax alto), John Gilmore (sax ténor), Danny Ray Thompson (sax baryton), Eloe Omoe (clarinette basse), James Jacson (basson, percussion), Bruce Edwards (guitatre électrique), John Brown (batterie), June Tyson (voix, danse). Aux commandes de la réalité virtuelle : Michael Ray, Barday, Eddie Thomas (Thomas Thaddeus), Atakatune.


Vous connaissez probablement mon attachement au light-show qui marqua mes premiers balbutiements artistiques avant de rentrer à l'Idhec et de monter sur scène. Ma petite sœur Agnès et moi avions joué le rôle de mascottes de l'Arkestra au tout début des années 70. Assistant aux répétitions des Nuits de la Fondation Maeght en 1970, nous avons tout de suite été adoptés par le percussionniste Nimrod Hunt (Carl S. Malone) qui nous présenta au reste de l'Arkestra. Le contrebassiste Alan Silva, qui chez Sun Ra ne jouait que du violon coincé entre les genoux, taquinait ma petite sœur en évoquant la comédienne Agnes Moorhead. C'est seulement au bout d'un grand nombre de concerts que je réussis à interroger "le maître", comme l'appelaient tous les membres de l'orchestre. Il était, sinon, inapprochable, planant au-dessus de la mêlée comme un être déplacé, on dira littéralement sur une autre planète ! C'est à cette époque que je mis en contact Alan et le saxophoniste Frank Wright que j'avais rencontré chez Giorgio Gomelsky (l'impressario des Rolling Stones !) et qui ignorait sa récente arrivée sur le sol français. Avec le batteur Muhammad Ali et le pianiste Bobby Few ils allaient former le quartet de free jazz le plus puissant et le plus présent de la scène parisienne.
Sun Ra et Harry Partch marquèrent certainement les deux chocs orchestraux de mon adolescence.

lundi 6 juin 2022

Marteau Rouge & Haino Keiji à Luz


Le rock, c'est quoi ? De l'énergie pure, des instruments électriques, la puissance des kilowatts, une musique de groupe, des références mythiques ou mythifiées, la défonce, le sexe et pas mal d'autres références qui me reviennent au fur et à mesure que j'écoute le concert du trio Marteau Rouge avec le guitariste japonais Haino Keiji au Festival Jazz à Luz. Ce 13 juillet 2009 méritait bien un feu d'artifice. J'ai attendu le moment où je pourrais pousser les enceintes pour écouter le CD qui vient de sortir sur Fou Records, la label de Jean-Marc Foussat qui joue ici du Synthi VCS3 et des jouets, plus électroacoustique qu'électronique, jusqu'à sonner les cloches pour calmer les passions le temps de quelques notes. À gauche le guitariste de Marteau Rouge, Jean-François Pauvros, penché sur son engin, archetant, griffant, frappant. À droite, Hanno Keiji, comme lui paroxystique jusqu'au risque de se casser les cordes, métal ou vocales, parce que tous les trois poussent parfois les leurs dans l'extase que produit le trop plein de distorsions et de larsens. Le batteur Makoto Sato, un autre natif du soleil levant, structure les improvisations en martelant ses fûts, grave. La musique de Marteau Rouge ressemble à l'évocation d'un temps révolu, quand nous étions gamins à la fin des années 60, cherchant à reproduire en son les émotions lysergiques qui nous faisaient voir le monde au travers d'une lunette kaléidoscopique. Dans La pensée sauvage Claude Lévi-Strauss parlait de cet "instrument qui contient des bribes et des morceaux, au moyen desquels se réalisent des arrangements structuraux". Les éclats s'agrègent en tableau de lave. Devant tant d'énergie, on peut aussi bien se laisser aller à la méditation comme trembler ivre sur la piste de danse. Ce maximalisme finit par basculer et ressembler au minimalisme en vogue. Aujourd'hui on parlerait de noise ou de drone. En tout cas, c'est le genre de musique sportive qui vous met la tête à l'envers.