70 Musique - janvier 2023 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 31 janvier 2023

Solos d'Alexandra Grimal et Sakina Abdou


Deux femmes. Saxophonistes. Mères de famille. Préciserait-on si c'était des hommes ? Deux fois deux vies à mener de front. Chacune accouche d'un solo sur le même label new-yorkais, Relative Pitch Records. Alexandra Grimal est de vent et d'eau. Sakina Abdou est de terre et de feu. Elles s'accordent. Le mois dernier, je les ai vus jouer seules puis ensemble au Souffle Continu. C'était magique. J'aime bien ce terme. Il exprime ce qu'on ne comprend pas, mais qui nous touche, sans qu'on ait besoin de lui trouver des explications. Cocteau encore : « Quand ces mystères nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs.» Deux disques de solos de saxophone, j'y allais à reculons. Mais non, ou plutôt oui, ce sont comme des entités animales. Alexandra Grimal a la légèreté du soprano. Sakina Abdou préfère la puissance de l'alto ou du ténor. La première a enregistré ses compositions dans l'escalier à double révolution du château de Chambord. Il fallait les micros de Céline Grangey. La seconde est restée à la maison. C'est Alexandre Noclain qui a endossé le rôle de l'ingénieur. Les musiques de Grimal retiennent leur souffle, chuchotent, se laissent aller à la méditation, coulent de source, s'envolent. Celles d'Abdou s'enracinent, comme s'il poussait des chaises, s'élèvent, reviennent sur elles-mêmes. Deux femmes. Deux saxophonistes. Deux improvisatrices. Si différentes et pourtant si proches. Que partagent-elles ? Qu'est-il écrit entre ces lignes transparentes ? La partition de la vie, le quotidien d'une musicienne...

→ Alexandra Grimal, Refuge, CD Relative Pitch Records, 15€ (10€ en numérique)
→ Sakina Abdou, Goodbye Ground, CD Relative Pitch Records, 15€ (10€ en numérique)

vendredi 27 janvier 2023

Tout à la main


Très toxique est le dernier vinyle à paraître très prochainement sur le label GRRR, mais le premier chronologiquement pour Un Drame Musical Instantané, puisqu'il fut enregistré le 21 décembre 1976, soit trois semaines avant l'album Trop d'adrénaline nuit. Sur la face A, la pièce éponyme dure 19 minutes et la face B était lisse comme un miroir noir avant que j'y colle une magnifique reproduction de 22,5 x 15 cm d'une image que j'avais réalisée en 1969 ! Elle répond à celle, de la même taille, qui orne la pochette noire du disque. L'une et l'autre sont des agrandissements d'un film de celluloïd noir imbibé de copolymères de polyvinylpyrrolidone et d'acétate de polyvinyle auxquels j'avais mis brièvement le feu. J'ai réalisé l'intégralité de la pochette à la main, pas seulement en y collant ces deux tirés-à-part issus du Light Book imprimé en 1971 par l'Imprimerie Union, mais parce que j'ai écrit tous les textes au crayon gras blanc, recto et verso, plus le macaron central du disque. Il me faudra trois ou quatre jours pour boucler tous les éléments graphiques des 85 exemplaires de ce vinyle mono-face. ils sont évidemment numérotés et signés. Tout ce travail peut sembler un peu délirant, considérant que l'objet sera vendu seulement 15 euros par Dizonord, mais c'est si agréable de fabriquer de beaux objets, à l'image de la musique que j'ai évoquée précédemment.

Très toxique figure en effet sur le très récent vinyle Toxic Rice du label allemand Psych.KG avec sur l'autre face une pièce très Fluxus du Kommissar Hjuler und Frau. La raison du presseur Matter of Fact pour laquelle ces 85 exemplaires se retrouvent amputés de l'autre face m'échappe totalement, mais avec Xavier Ehretsmann (auteur de la photo) nous avons sauté sur l'occasion alors que trois des vinyles du Drame se vendent actuellement comme des petits pains, distribués par The Pusher. Il s'agit de Rideau !, À travail égal salaire égal et Les bons contes font les bons amis, tous trois comme les autres LP du Drame également ressortis pour la première fois en CD sur le label autrichien Klang Galerie. On peut d'ailleurs aussi trouver ces disques et l'édition allemande Toxic Rice au Souffle Continu, autre excellent disquaire parisien.

L'enthousiasme provoqué par l'écoute de Très toxique est l'autre motivation à produire cet album très particulier et à consacrer autant de temps à sa présentation graphique. Francis Gorgé est à la guitare électrique. Bernard Vitet joue de la percussion, des appeaux, du sax alto, de la trompette à anche, du violon et du frein. Je tiens le synthétiseur, un ARP 2600, diffuse des extraits radiophoniques, télévisuels et cinématographiques sur un cassettophone, passe au sax alto, à la flûte, aux trompes, à la percussion, à la guitare, à la mandoline et au frein ! L'aboiement est aussi live que le reste, que j'avais enregistré en 2 pistes et mixé en direct au Studio GRRR situé alors dans la cave du 7 rue de l'Espérance dont l'entrée donnait sur la Place de la Butte aux Cailles. C'était aussi le lieu où je vivais. Une version beaucoup plus longue (32 minutes, index 9) figure dans l'album des Poisons qui dure 24 heures !! Là j'ai mis deux points d'exclamation, parce que seule la musique en ligne offre de telles folies. La qualité de la reproduction sur vinyle et de son nouveau master a justifié le raccourcissement à 19 minutes. Il n'est pas facile de trouver des pièces qui rentrent dans le gabarit d'une face de 33 tours 30 cm, car à cette époque nous jouions sans interruption, intégrant les coups de fil (le téléphone était souvent branché sur la table de mixage), les visites impromptues, les silences où l'un d'entre nous continuait pendant que les deux autres réinstallaient leurs nouveaux instruments, etc. Certaines pièces consistent en d'incroyables mélodrames. L'ensemble était censé refléter notre quotidien transposé en musique, improvisé sur nos instruments avec la même sincérité que le réel, celui de la poésie, puisque nous ne faisions et n'avons jamais fait de séparation entre la fiction et le documentaire.

jeudi 26 janvier 2023

Jazz, définitivement !


Qu'ils soient colorisés n'a pour une fois pas beaucoup d'importance. Ce n'est pas là le film qui s'expose, mais la musique et la danse. Or ce sont mes deux extraits cinématographiques de jazz préférés. Je risque d'avoir l'air radada, voire pannassiette, mais avec la période jungle, les Lew Leslie's Blackbirds of 1928 auxquels participa également l'orchestre de Duke Ellington je ne sens plus mes jambes malgré la fatigue qui ne s'est pas encore dissipée. Je suis évidemment plus proche de Mingus, Roland Kirk, Ayler, Sun Ra et l'Art Ensemble, mais aucun jazz ne me fait plus d'effet, comme lorsque Cocteau raconte à haute-voix, dans Portraits-Souvenirs, l'entrée des Elks et du cake-walk au Nouveau Cirque en 1903...


Commençons donc avec Cab Calloway, le maître du scat, et son orchestre qui swingue à mort avant de laisser la place aux Nicholas Brothers, fantastiques danseurs dont jamais je ne me lasse. Leur énergie est incroyablement communicative. Extrait du film Stormy Weather, un des premiers films où se produisent des musiciens afro-américains dans leur propre rôle, où l'on peut aussi admirer Fats Waller, Lena Horne, Bill Robinson...


Enchaînons avec un extrait de l'hilarant Hellzapoppin que j'ai regardé et écouté des dizaines de fois depuis que mon père me l'a fait découvrir quand j'avais huit ans. Souvent copié, jamais égalé ! L'extrait colorisé a le grand mérite de donner en fin de clip les noms de tous les musiciens et des Lindy Hoppers dirigés par le chorégraphe Frankie Manning dans cette scène d'anthologie, pas seulement Slim (Gaillard) & Slam (Stewart), Rex Stewart et C.C. Johnson.
Mon camarade Bernard Vitet était assez critique avec mes goûts jazzy, en particulier pour Cab Calloway, trouvant que c'était la porte ouverte au rock (qu'il n'aimait pas, l'associant à de la musique militaire). S'il avait raison, cela expliquerait mon choix (euh, pas pour l'uniforme !). Je me suis toujours considéré comme un rocker qui joue de la musique contemporaine avec des jazzmen !

mercredi 18 janvier 2023

J'ai été un peu maladroit


J'ai été un peu maladroit. Un réalisateur, ami de longue date, [était] venu me proposer de composer la musique de son prochain film. Au lieu de le rassurer en frimant, je me suis ouvert à lui de mes incompétences et de mes doutes. Quel artiste n'en a pas ? C'est même là-dessus que nous édifions notre œuvre. Évoquant d'éventuelles collaborations musicales comme je les affectionne, je fragilisai encore un peu plus ses propres incertitudes. Mettant ses craintes sur le compte de l'intuition, il m'envoya un mail le soir-même où il faisait machine arrière sans avoir entendu la moindre note de musique. C'est idiot de ma part de ne pas avoir insisté, car si les mots sont trompeurs la musique ne m'a jamais trahi. J'ai toujours su répondre avec des sons, que ce soit en les bruitant avec ma bouche, en sortant quelque vieux document d'archive ou en me collant devant un clavier ou un autre instrument. Plutôt que donner à écouter une composition réalisée pour un autre propos et qui forcément ne peut convenir à l'œuvre à venir, je préfère livrer quelque retour à-brule-pourpoint et corrigeant mon improvisation au fur et à mesure que je perçois les réactions de mon interlocuteur. Je façonne mon ébauche comme une pâte à modeler qui me servira plus tard de modèle, en parfait accord avec les besoins de l'œuvre à sonoriser. J'ai été un peu maladroit. Rien de grave, cela n'affecte pas notre amitié, mais je me pose des questions sur ma sincérité, mise en avant dès le premier contact, avec des personnes avec qui je n'ai encore jamais travaillé.

Ma maladresse me rappelle un de mes textes mis en musique par Aki Onda pour son magnifique album Un petit tour et dont j'avais assuré la direction artistique en 1999. Sur Maladroit on entend Bernard Vitet au bugle, mon synthétiseur PPG et les documents enregistrés par Aki :

J'en reproduis également les paroles ci-dessous pour mes lecteurs sans écouteurs. Le sujet n'a évidemment rien à voir avec l'anecdote récente, mais elles reflètent bien nos timidités ou les quiproquos dont nous pouvons être victimes. Nos propres victimes, s'entend !

J’ai été un peu maladroit
Et je l’ai été trois fois
En tremblant dès que je t’ai vue
En approchant ma main de ta joue
En ne comprenant pas le mouvement de tes lèvres
J’ai été un peu maladroit
En n’osant pas te regarder dans les yeux
En faisant comme si de rien n’était
En te laissant partir sans avoir dit les mots
J’ai été un peu maladroit
Te frôlant j’ai cru que tu m’avais touché
En te touchant je me suis affolé
En t’embrassant j’ai évité la bouche que tu me tendais
J’ai été un peu maladroit
Je n’ai pas vu tes yeux
N’ai pas senti ta main
Ni la pression de tes baisers
J’ai été un peu maladroit
Car dans tes yeux j’ai rêvé de me perdre
De ton visage éprouver la tendresse
Et j’ai simplement cru que tout était compliqué
J’ai été un peu maladroit
J’ai dû l’être plus de trois fois

Article du 31 mai 2010

samedi 14 janvier 2023

Quelle corrosion pour Très toxique ?


Xavier Ehretsmann est passé voir sous quelle forme nous sortirons TRÈS TOXIQUE, le vinyle mono-face avec la pièce d'Un Drame Musical Instantané du 21 décembre 1976, soit trois semaines avant Trop d'adrénaline nuit. C'est une des premières fois que nous enregistrions ensemble avec Francis Gorgé et Bernard Vitet. La musique est incroyablement dynamique et inventive. Sur la pochette noire sera collée une image toxique que j'ai chimiquement réalisée en 1969 et qui était parue deux ans plus tard dans le Light Book de l'Imprimerie Union et le texte sera écrit à la main au crayon gras blanc. Nous hésitons encore à ce que nous ferons subir à la galette elle-même sur la face ressemblant à un miroir noir.
On peut trouver au Souffle Continu Toxic Rice, quelques rares exemplaires de la version parue chez Psych.org avec une pièce de Kommissar Hjuler und Frau sur la face B, numérotée de 1 à 56. Les 85 exemplaires de la version mono-face du Drame seront également numérotés, sous la référence GRRR 1035 et distribués par Dizonord.
Sur la photo je montre à Xavier un des instruments utilisés par Bernard et moi sur TRÈS TOXIQUE, le frein, sorte de contrebasse électrique à tension variable que mon ami avait fabriquée quelques années auparavant. Il est en aluminium, trois cordes et des micros réalisés à partir d'écouteurs de téléphone public.

vendredi 13 janvier 2023

Terry Riley & Bang on a Can All‑Stars, Autodreamographical Tales


J'ai pris l'habitude de ne négliger aucun album de Cantaloupe Music, le label du groupe Bang on a Can. Les compositeurs et compositrices qui tournent autour du noyau central, Michael Gordon, Julia Wolfe et David Lang, sont particulièrement inventifs. Que ce soient avec les vétérans John Cage, Conlon Nancarrow, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, les groupes Sō Percussion, Kronos String Quartet, Alarm Will Sound, Icebreaker, Matmos, ou Meredith Monk, Glenn Kotche, Kaki King, Lukas Ligeti, Iva Bittová, Glenn Branca, Brian Eno, Gavin Bryars, Laurie Anderson, Arnold Dreyblatt, Aphex Twin, Bryce Dessner, Squarepusher, Kevin Volans, Fennesz, Christian Marclay, John Adams, René Lussier, Bill Morrison, Bill Frisell, pour n'en citer que quelques uns, le label Cantaloupe recèle des trésors relativement méconnus de ce côté de l'Atlantique. Ce sont évidemment essentiellement des représentants de la musique américaine, souvent issus du courant minimaliste, encore qu'il y ait parmi eux quelques maximalistes. Le soft power est toujours bien vivace.
Cette prolixité me contrarie, car en tant que compositeur j'ai la manie d'espérer "faire ce qui ne se fait pas puisque ce qui est fait n'est plus à faire". Je pense que je crée essentiellement ce dont je rêve et que je ne trouve nulle part. C'est loin d'être évident et il m'arrive de passer des mois, voire des années, sec comme un coup de trique. Heureusement l'idée finit par arriver, à un moment où je m'y attends le moins. Mais comme j'écoute énormément de choses bizarres dans tous les genres musicaux, je suis de plus en plus souvent confronté à des idées que j'aurais pu avoir et qu'un ou une autre a déjà produites à ma grande satisfaction. Cette bande de New Yorkais n'arrange donc pas mes affaires, même si elle me comble en tant qu'auditeur.
Je viens ainsi d'enchaîner Barthymetry de Matt McBane, Mosaïques et Ritournelles de Florent Ghys, Oxygen de Julia Wolfe pour un ensemble de flûtes, mais aujourd'hui je me contenterai d'indiquer Autodreamographical Tales, un album étonnant de Terry Riley avec le Bang on a Can All‑Stars, sorte d'opéra pop sous la forme d'un journal onirique où le compositeur commente et chante. Il passe allègrement du blues au rock, du free jazz à des formes plus classiques. La chose est vivifiante, drôle et émouvante. La première moitié a été arrangée par Gyan Riley, le fiston, la seconde par son père. À la fin des années 60, j'ai usé Poppy Nogood and the Phantom Band / A Rainbow in Curved Air jusqu'à la corde, comme Church of Anthrax avec John Cale sous la pochette d'Andy Warhol, et Persian Surgery Dervishes sur le label Shandar. Plus tard j'ai accumulé les versions de In C et tous les enregistrements du Kronos Quartet, formation à laquelle Terry Riley a consacré la majorité de son travail ces quarante dernières années.
Ce nouvel album sonne comme le commentaire de la vie rêvée du compositeur. Le Bang on a Can All Stars rassemble ici Ken Thomson (clarinettes), Vicky Chow (piano, claviers), Mark Stewart (guitare), Ashley Bathgate (violoncelle), Robert Black (basse), David Cossin (batterie, percussion, enregistrement, mixage) avec Terry Riley qui joue aussi du piano et des claviers. Il n'y a pas de sous-titres dans les disques, mais le public européen avale les paroles en anglais sans que cela le dérange, la plupart du temps sans comprendre, ou bien seulement des bribes. Quel que soit notre niveau, il reste la musique des phonèmes qui fait rêver les somnambules que nous sommes.

→ Terry Riley & Bang on a Can All‑Stars, Autodreamographical Tales, 2 LP ou en numérique comme Bandcamp

jeudi 12 janvier 2023

Le cri du Caire


Je n'ai pas encore vu La conspiration du Caire du talentueux Tarik Saleh (Le Caire confidentiel / The Nile Hilton Incident), mais j'ai la chance d'écouter Le cri du Caire qui réunit le saxophoniste britannique Peter Corser, le violoncelliste allemand Karsten Hochapfel et, en invité, le trompettiste Erik Truffaz autour du chanteur et poète égyptien Abdullah Miniawy. Aucun rapport entre le film et le groupe, si ce n'est un regard critique sur l'histoire récente égyptienne. La musique sonne bien, mais je me demande quoi écrire sans comprendre les paroles. Cette manie des attachés de presse d'envoyer les CD sous pochette carton sans livret est terriblement frustrante. Accompagnant l'objet, le texte, ici dû à Blaise Merlin acteur déterminant du projet, est biographique et circonstanciel, mais ne permet pas de savoir où l'on met les oreilles du point de vue du sens. Je me retourne donc vers Marc Chonier qui est en charge de la promotion et, en attendant, je me dis qu'il est logique d'entendre là le souffle continu de Peter Corser au ténor (un habitué du festival La voix est libre), les envolées lyriques d'Erik Truffaz (qui s'est toujours intéressé aux autres cultures que la sienne) et les cordes sensibles de Karsten Hochapfel (pilier du groupe Odeia et compagnon de route de Naïssam Jalal). Le soufisme fait tournoyer la tête comme le jazz en phrases hypnotiques qui semblent s'intensifier jusqu'à la transe, et la paix retrouvée.


À la quatrième écoute je reçois enfin les informations dont j'ai besoin pour avancer sur le chemin de sable et de larmes. Mélange de sacré et de profane, de piété et de révolte, les textes sont à la fois reconnaissables dans la forme et nouveaux au creux du cœur. Sous les vers ésotériques se perçoivent l'influence du Coran, de la révolution de 2011 et des désillusions du peuple égyptien. Ainsi la musique prend tout son sens, parce que sa traduction des textes ne peut trahir : elle fait corps avec la poésie, inexplicable, magique, sublime.

→ Le cri du Caire, CD Les Disques du Festival Permanent / Airfono / Big Wax, sortie le 27 janvier 2023

jeudi 5 janvier 2023

Les plastiques de Toxic Rice


Après treize mois de délai pour le pressage, les vinyles Toxic Rice sont finalement arrivés, tout beaux, tout neufs. La pièce d'Un Drame Musical Instantané intitulée Très toxique occupe la face A. Je l'ai enregistrée le 21 décembre 1976 au Studio GRRR qui était alors situé 7 rue de l'Espérance dans le 13e à Paris, sur la place de Butte aux Cailles. Il se situe donc entre Défense de de Birgé Gorgé Shiroc et Trop d'adrénaline nuit, le premier album du Drame. Cela faisait seulement quelques mois que nous avions entamé cette aventure qui allait durer près d'un demi-siècle ! Il possède la même énergie que le vinyle Avant Toute de Birgé Gorgé publié par Souffle Continu et rappelle Trop d'adrénaline nuit par l'usage des bandes de films. Francis Gorgé est à la guitare électrique. Bernard Vitet joue de la percussion, des appeaux, du sax alto, de la trompette à anche, du violon et du frein. Je tiens le synthétiseur, un ARP 2600, diffuse les enregistrements sur cassettes, passe au sax alto, à la flûte, aux trompes, à la percussion, à la guitare, à la mandoline et au frein !


J'analyse Es gibt Reis ! du Kommissar Hjuler und Frau, enregistré le 14 octobre 2021, comme un hommage très godardien au Drame. Sur la face B, le couple, adepte du mouvement Fluxus, glisse de voix saturées à des musiques de genre ou une course poursuite automobile jusqu'à l'accident fatal. Je ne comprends pas la plupart des dialogues qui sont en allemand, mais c'est très roots et plutôt excitant. Tout cela est totalement zinzin et l'album 33 tours 30 centimètres porte bien son qualificatif toxique. Sur le disque noir ne figure aucune inscription, mais chaque exemplaire est numéroté.


Comme si cela ne suffisait pas, le Kommissar Hjuler und Frau qui publient à tour de bras des vinyles aussi délirants les uns que les autres ont choisi de sortir des versions plastiquement uniques, soit sous forme de collages en relief (de repas), notes tâchées sur des comptoirs de café, soit accompagnées d'une vitrine où est enfermée un bouteille de whisky brisée.





Le disque est vendu sous une pochette blanche ornée d'un Polaroïd comme ceux collés à l'intérieur des vitrines, fausse référence à l'un ou plusieurs musiciens du Drame. Le label Psych.KG m'a même envoyé un exemplaire (unique) avec un vrai passeport (forcément périmé) !



N'étant pas un expert du marché de l'art ni du Wurst, vous comprendrez que je suis un peu perdu au milieu de tout cela. Le site Discogs répertorie en tout sept versions de Toxic Rice, alors que j'en perçois ici déjà trois, et qu'il serait même question d'une huitième où ne résiderait que la face du Drame, mais ça c'est une autre histoire ! C'est qu'il y en a pour tous les prix (de 25 à 70 euros sang le porc). Si vous êtes fan du Drame, n'hésitez pas, Très toxique est un morceau de choix de 19 minutes, de la viande maturée à souhait, malgré cela impropre à la consommation, car même si elle a été conservée en chambre froide, elle a tout de même 47 ans. L'objet est visible au Studio GRRR à Bagnolet et au Souffle Continu, rue Gerbier à Paris.