70 Pratique - décembre 2013 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 26 décembre 2013

Un téléphone au chaud


Vais-je avoir l'air d'un fou, d'un geek ou les deux à la fois ? Dans le passé lorsque l'on croisait dans la rue un individu parlant tout seul on savait à quoi s'en tenir. Avec les téléphones portables munis d'écouteurs discrets on en a pris l'habitude et les soliloqueurs peuvent se promener en toute quiétude sans attirer l'attention. Quant à mon goût prononcé pour les jouets technologiques dont j'ai souvent fait mes outils, je n'empêcherai jamais les moqueries affectueuses de celles ou ceux qui finiront par y venir un jour au l'autre. Résister au progrès est une saine attitude que je ne pourrai jamais critiquer. Enfourchant donc ma bicyclette par climat hivernal je conjuguerai mon époque à tous les temps en répondant au téléphone sans me geler les mains ou ratant la communication pour avoir été fouiller désespérément dans laquelle de mes poches. Ce cadeau de Noël offert par ma sœur et son époux n'arrangera pas l'image que l'on se fait parfois de moi ! Le micro est caché au bout de l'auriculaire, l'écouteur dans le pouce et les commandes sont disposées au poignet. De plus les doigts de l'autre main sont conducteurs pour pouvoir toucher l'écran de mon smartphone en les laissant au chaud. Contrairement au faux portable des débuts le gant Blutooth singe les usages tout en les préservant. On aura vraiment tout vu ! Mais pas tout entendu : si l'écouteur fonctionne bien, le micro laisse bigrement à désirer...

jeudi 19 décembre 2013

Mutations florales


Comment se fait-il que le jardin soit toujours en fleurs à Noël ? Jaunes, violettes, blanches, multicolores... Même celles de la passion ne se sont pas éteintes ! Réchauffement climatique ou tripatouillages génétiques ? Aurions-nous la main verte ou la musique adoucit les fleurs ? Nous leur chantons maint refrain quand le matin revient. Les feuilles mortes qu'on ramasse à la pelle ont fini par dégringoler, mais le reste s'épanouit quelle que soit la météo. Je n'écris pas depuis la Côte d'Azur ou Zanzibar, puisque la scène se passe à Paris, je te dis. On ne va pas se plaindre, mais je m'étonne. J'ai rentré les grasses qui minaudaient dans un coin, coupé les bambous secs histoire de laisser passer un peu de lumière dans leur forêt inextricable, élagué l'églantier qui m'avait valu une dénonciation à la mairie parce qu'il débordait trop sur la rue... Son parapluie plaisait pourtant aux passants qui s'abritaient lors des grosses averses et aux merles qui se repaissent de ses baies de poil à gratter. Les oiseaux me ravissent. Il suffit d'une mésange ou d'un rouge-gorge quand j'ouvre les volets pour que ma journée soit ensoleillée même sous un édredon de nuages. Qu'il vente, pleuve, grêle ou neige, le jardin réfléchit nos émotions.

jeudi 5 décembre 2013

Plus je dépense, plus je gagne


Depuis 1975 je suis scrupuleusement le conseil glané dans l'autobiographie de Jean Marais qui y prétend "plus je dépense plus je gagne". Il ne s'agit pas de jeter l'argent par les fenêtres, mais de gérer habilement les flux migratoires. Pour commencer, l'argent n'est pas fait pour être thésaurisé mais pour circuler. L'exercice tient évidemment de la marche sur le fil et ne prend chez moi son sens qu'en période de trouble. Il s'agit de créer un vide soudain sur son compte bancaire pour qu'un appel d'air produise miraculeusement une rentrée inespérée. Comme il faut pouvoir gérer le danger, cela ne peut pas fonctionner si l'on est aux abois, déjà dans le rouge. Voilà quarante ans que ce système marche pour moi, même s'il fut des temps où l'exercice était des plus périlleux. Il exige que ses pratiquants soient de bons gestionnaires, capables d'envisager les enjeux. Je me souviens avoir fait frémir ma compagne en allant acheter une télé lors de l'une des ces périodes angoissantes. Le lendemain, aucun résultat ne se faisant sentir, je retournai acquérir un lecteur VHS. Bingo ! Un gros contrat tomba aussi sec, validant ce sport dangereux.
Il me semble que c'est avant tout une question d'action, de mouvement volontaire, d'agitation nécessaire. Je pourrais comparer cela à la recherche de travail. Fut un temps où j'envoyais régulièrement mille sollicitations par la poste. Internet n'existait pas. Heureusement que les temps ont changé ! Il fallait faire imprimer une carte remarquable avec si possible une image en couleurs, la glisser mille fois dans une enveloppe, rédiger chaque adresse à la main, coller mille timbres et lécher également le rabas de l'enveloppe, plus le coup de tampon, et direction la poste... Résultat des courses : aucune réponse. Mais quelques jours plus tard je recevais un coup de fil me proposant une grosse affaire. Or la proposition émanait d'un quidam à qui je n'avais rien envoyé. Le constat impliquait que si je n'envoyais pas mille sollicitations la 1001ème ne se manifestait pas. Je n'ai jamais pu expliquer rationnellement cette synergie, mais la magie n'opère jamais que si l'on aide la chance à vous sourire. Ainsi, dans les périodes d'inquiétude budgétaire, j'applique le conseil de Jean Marais, certes avec la plus grande circonspection, mais confiant dans l'existence des miracles. Car fut aussi un temps où je n'avais pas de quoi m'offrir un croissant lorsque j'en avais envie...