À 4h34 j'ai momentanément résolu mon problème de sommeil. Après avoir allumé ma lampe de chevet je l'ai écrasé avec le doigt. Ensuite j'ai nettoyé la tâche rouge sur le mur blanc. Couverte de petites bosselettes l'aine gauche me démangeait encore, mais je me suis rendormi, rassuré. Le lendemain il était 7h37. Plus besoin d'allumer, il faisait jour et mon coude me grattait terriblement. Je suis allé chercher la tapette à mouches que Christiane avait eu la délicatesse de glisser dans le tiroir de la commode. La veille au soir j'avais raté le culicidae posé sur le clavier de mon ordi. Après ce second crime je me suis demandé si je ne devrais pas acquérir cette arme diabolique qui rallonge mon bras pour surprendre l'animal. Il m'est impossible de dormir en sa présence. Le bzzz qui résonne près de mon oreille provoque en moi une danse de Saint-Gui que seule l'approche du meurtre peut calmer. Si je finis par comprendre que ma respiration asthmatéiforme vrombit comme les ailes de la femelle en pleine parade nuptiale, il n'empêche que mon dioxyde de carbone l'attire redoutablement vers mon AB+. Me concentrant sur les surfaces claires je scrute la moindre tâche noire. Le calme succède à la tempête. La victoire me permettra de me rendormir. Je déteste tuer des bêtes, mais les moustiques qui me tournent autour sont incompatibles avec ma propre existence. Je tente toujours de les éloigner avec un répulsif, mais ils reviennent à la charge lorsque je baisse ma garde. Il paraît que les femelles sont particulièrement sensibles à la chair dont le propriétaire a consommé du fromage ou de la bière !


Michel m'en avait offert un verre après la Parade qui clôturait cette semaine de représentations au Théâtre antique d'Arles et dont il a dessiné l'affiche. La pleine lune éclairait Le Syndicat du Chrome au milieu des ruines. L'hommage à Lucien Clergue avait été particulièrement émouvant. Le souvenir de Bernard refaisait surface brusquement ; déjà un an. Le succès des Nuits des Rencontres de cette année gomme la fatigue qui m'assaille. J'avais choisi pas mal des musiques qui accompagnent les projections, avais traité quantité de fichiers imparfaits, choisi les musiciens qui interviennent en direct, joué le porte-paroles des intermittents et sonorisé l'exposition sur les monuments aux morts... Combien de fois ai-je arpenté les mêmes rues, dévoré les expos, cherché un resto correct, corrigé mes articles avant ou après parution ?


Le dernier son enregistré dans ma chambre d'hôte fut le premier diffusé, il accompagnait la photo de groupe de l'équipe des Rencontres. Reconnaîtrez-vous ces zombies dirigés par Joan Fontcuberta ? Le glissando de cordes menaçant se termine par un coup réverbéré tandis que la prise de vue sort du noir. Suit la sélection des meilleurs moments des douze années de la direction de François Hébel montrant la diversité des spectacles mis en forme par Coïncidence. L'humour y rivalise avec la passion. Sam Stourdzé, nouveau directeur dès la prochaine édition, imprimera à son tour sa marque sur les Rencontres qui nous réserveront d'autres surprises. Quant à moi je n'aspire aujourd'hui qu'à me reposer, si les moustiques me fichent la paix !