Ce ne sont pas "les dernières tomates", à moins qu'on l'entende dans son sens populaire pour "les dernières nouvelles" ! En nous dirigeant vers le Musée d'Art Moderne à l'Alma (article demain matin), nous tombons sur le marché du mercredi (ouvert aussi le samedi matin). Nous marchons en dévorant d'authentiques sandwiches libanais, une pita avec viande, véritable taboulé (le persil domine), houmous (purée de pois chiche au sésame) et baba kanouj (hachis d'aubergines à l'ail), une crêpe au za'tar (huile d'olive, thym, sumac) et une autre aux épinards.
A parte : sandwich vient de John Montagu, comte de Sandwich, à qui son cuisinier confectionnait ce repas simple pour lui éviter de quitter sa table de jeu (source : le Dictionnaire historique de la langue française en 3 volumes, d'Alain Rey).
Second a parte : le sumac est un fruit rouge des régions chaudes que l'on fait sécher et que l'on moud pour obtenir une épice au goût acidulé. Utilisées dans l'ensemble du Moyen-Orient, les feuilles en poudre peuvent remplacer le citron dans de nombreuses recettes, parfumer les fruits de mer, les salades, les volailles, la viande, aromatiser les farces, le riz... Mélangé au yaourt avec quelques fines herbes, il devient une excellente sauce d'accompagnement. J'ai l'habitude de mélanger le sumac et le thym libanais (de grandes feuilles moulues également) et d'en couvrir la viande ou le poisson. J'en avais rapporté une cargaison de Beyrouth dont le goût ne s'est nullement altéré avec le temps ! Je pense que celui de la poudre doit y être aujourd'hui beaucoup moins digeste.
Mais notre attention est happée par les surprenants fruits et légumes étalés sur les tréteaux de Maître Joël Thiébault (à gauche sur la photo). Apercevant les herbes du jardin dont le pourpier et la bourrache, je pense à Jean-Claude, le père de Françoise, qui confectionne d'exquises salades seulement en se penchant. Il cueille ce qui pousse à nos pieds sans que nous sachions que c'est comestible, lavande, coquelicot, pissenlit et un tas de plantes dont il faudra que j'apprenne les noms.

Je ne peux pas résister à acheter un échantillon de tomates variées qui me font rêver : la Branly Wine jaune que la communauté Amish a réussi à préserver, la Green Zebra, une autre tomate nord-américaine, la noire de Crimée emportée aux USA par les Tchèques en 1968 quand les chars russes entrent à Prague, la Prince Noir de Sibérie... C'est un plaisir d'écouter Joël parler de ses cultures, vingt-deux hectares à Carrière-sur-Seine. Il partage sa passion avec ses clients en toute gourmandise. Je retrouve ce qui me fascinait chez Paul Corcellet : manger devient un art, et l'on n'a même pas besoin ici d'entrer en cuisine, ce sont des aliments simples, on n'a qu'à les cueillir ! Françoise est toute heureuse de dégotter des blettes rouges appelées Charlotte qu'elle n'a jamais trouvées qu'aux États-Unis. Avant de le quitter, Joël nous offre une poignée de légumes miniatures, aubergines, courgettes, patissons, à faire revenir dans des poëlles séparées. Comme nous lui parlons de Kokopelli (production de graines bio pour le jardin), il nous conseille de prélever une cuillérée de chaque tomate, de laisser moisir chaque espèce dans un verre pendant cinq jours, puis de laver les graines et les laisser sécher sur une étoffe (surtout pas sur du papier, ça colle !), pour pouvoir les replanter l'année prochaine.