70 Cuisine - mai 2019 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 23 mai 2019

Nigrum allium sativum L.


Devant le succès que remporte mon ail noir, les amis cherchent évidemment à en savoir plus sur ses propriétés. Ainsi Marie-Christine s'inquiétait de la réaction de Maillard, cuisson réputée pour ses dangers cancérigènes. Elle m'indique le site Néo-nutrition qui explique que la caramélisation de l'ail noir arrête le processus à l'étape Amadori/Heyns, soit avant son terme pour n'en conserver que les bénéfices, contrairement aux frites, par exemple. Il fait ainsi considérablement croître la quantité d’antioxydants, 25 fois plus que l'ail blanc, contenant quantité d'oligo-éléments (850mg de S-allyl-cystéine par tête d’ail, magnésium, phosphore, sélénium, vitamines B6 et C). Si la médecine traditionnelle chinoise le préconisait contre l’arthrose, le diabète et les maladies infectieuses (rhume, tuberculose, malaria...), il est aujourd'hui recommandé contre le stress, la mauvaise alimentation, l'abus d'alcool et de tabac, les perturbateurs endocriniens contenus dans les savons, produits de beauté, emballages, il renforce le système immunitaire, atténue les allergies, combat les tumeurs cancéreuses, régénère les cellules de la peau, lutte contre l'obésité, réduit l'hypertension artérielle et le cholestérol... En gros c'est le remède miracle, le tout en un, l'élixir de jouvence par excellence !
Mais je ne me suis pas arrêté là. La revue anglophone ScienceDirect livre une analyse critique poussée passionnante, comparant la composition de l'ail frais et celle de l'ail noir. Selon la température (entre 60° et 90°), la durée de maturation, l'humidité, les résultats diffèrent. Chaque bienfait y est détaillé chimiquement. C'est un peu calé pour moi, mais j'entrevois la méticulosité de l'étude de Shunsuke Kimura, Yen-Chen Tung, Min-Hsiung Pan, Nan-Wei Su, Ying-Jang Lai et Kuan-Chen Cheng, soutenus par la National Science Council de Taiwan ! L'usage quotidien du sauna m'avait fait baisser incroyablement mes taux de cholestérol et de sucre, comme si on avait coupé le câble de l'ascenseur. Dans quelques mois je me demande si je serai capable de constater les effets sur ma santé de ce mets délicieux à la saveur umami prononcée.

jeudi 16 mai 2019

Ail noir ou or noir


Mon voisin n'a pas d'odorat. Du moins sa culture, limitée par son repli communautaire, ne lui permet pas de faire la distinction entre l'ail et le fuel. Il a eu la précaution de me prévenir que depuis deux mois se dégageait une odeur de fuel, exclusivement le matin, venant de ma cuve située à proximité de notre mur mitoyen. Pourquoi seulement le matin ? J'imagine qu'il fume et perd progressivement ce qu'il lui reste de sensibilité olfactive. J'ai répondu courtoisement que j'allais bien évidemment interroger le chauffagiste, mais je sais que c'est à cette époque que j'ai installé le fermenteur d'ail noir dans le garage qui est au-dessus de la cuve. Le "faire menteur" porte bien son nom, même si la réaction de Maillard tient plutôt de la caramélisation. L'odeur peut être agréable à certains nez comme le mien, mais de là à vivre 24 heures sur 24 dans ce parfum culinaire, cela m'avait poussé à placer le cuiseur loin de mon espace de vie ! Comme je ne suis pas un monstre j'ai déménagé l'objet, cette fois au fond du jardin, en l'abritant des intempéries climatiques par un cube qui traînait au garage...


Malgré sa sublime saveur d'umami et le prix prohibitif des têtes vendues souvent 10 euros pièce, l'ail noir n'est tout de même pas de l'or noir ! Depuis mon acquisition j'en suis donc à cinq fournées. Je suis passé à l'ail rose, qui vient du Tarn, plus parfumé que l'ail blanc, et j'attends les résultats de ma dernière expérience : ayant retiré le double plateau de la cuve j'y ai placé de l'ail frais. Je n'ai pas la moindre idée de ce que cela va donner. Le décompte des 288 heures est parti. Le plein air dissipe l'odeur capiteuse de la cuisson, mais je sens bien qu'elle est différente de d'habitude.
Le garage a retrouvé la puanteur du diesel lorsque j'enclenche le démarreur. Renault m'avait vendu une voiture "verte" en affirmant que ce combustible ne polluait presque plus... L'autocollant "éco" est encore intact sur le pare-brise arrière. On est toujours le Bouvard et Pécuchet de quelqu'un !