Prequel de l’article de Rigobert Dittmann traduit de l'allemand tant bien que mal par mes soins, extrait de la rubrique nowjazz plink'n'plonk !

JEAN-JACQUES BIRGÉ a commencé la nouvelle année en chroniquant des documentaires sur Jacques Lacan, l'évocation de Bernard Vitet, "Maus" d'Art Spiegelman, "Le voyage dans la lune" de Méliès et les Disques de David Lynch. Et musicalement, nonobstant une rupture de canalisation d'eau, le 14 janvier un concert live au studio GRRR avec le violoniste MATHIAS LEVY, venu malgré la grippe, qui s'est distingué avec "Revisiting Grappelli" et "Les Démons Familiers" et qui a déjà joué "Tout Abus Sera Puni" avec Birgé & Naïssam Jalal, et ANTONIN-TRI HOANG, lui aussi habitué du label GRRR, dont le registre va du Red Desert Orchestra d'Eve Risser à l'Orca Noise Unit. Ce dernier a utilisé des synthétiseurs, une clarinette, un sax alto et des percussions, tandis que JJB s'est intégré aux images sonores avec un sampler, des synthétiseurs Soma, une shahi baaja, une guimbarde et un ballon de baudruche. En résultent sept morceaux d'une 'expérience de mentalisme musical' proposée par Hoang : l'un des 30 auditeurs* écoute une minute piochée dans une playlist d’archives musicales, choisie au hasard et inaudible pour les autres, et décrit brièvement, mais de manière fleurie, ce qu'il a entendu, ce qui commence par déclencher des rires. C'est ainsi que sont nés 'Allumettes Paillasson', 'Particules fines', 'Au delà des galaxies', 'Un gros Sibérien', 'Le train ne s'arrête pas', 'Combat de chiens coréen' et 'Yemen', enchâssés dans Apéro Labo 1 (GRRR 3118, numérique). Seuls ces 'assistants' volontaires peuvent établir un lien avec ce qu'ils entendent, mais tous peuvent faire des comparaisons avec la description. Avec une bonne dose de magie, ces compositions instantanées déploient incontestablement une musique de chambre électroacoustique miraculeuse et un folklore ambiant exotique, avec un violon doux et frémissant ou dansant, le son de cithare de la shahi baaja, un triangle étincelant, des vagues de vrombissements, des lèvres sifflotantes, des 'coups de sabots', des touches de synthés, des sons flottants, de délicats pizzicati. Avec des éraflures rugueuses, des poussées 'russes' orchestrées qui s'élancent, des répétitions qui se balancent, du noise et des sons indescriptiblement terribles ou discrets. Narratif ? Cinématique ? Fantastique ? Le synthé se déplace, double tonalité de locomotive à vapeur, sur un violon monosyllabique qui tire des fils, intime et dansant, et sur une clarinette rugueuse qui suit le mouvement. Le groove de la guimbarde, les harmoniques sifflantes, le son d’une vielle fendue, le chant guttural du chaman et le ballon de baudruche gémissant créent des canards-chats (comme le Dr Moreau chez H. G. Wells ou le Dr Baxter dans "Poor Things") ; d'autres expériences inouïes donnent naissance à des chiens au museau cousu. Et pour finir, la radio-pop déformée, les rythmiques animées, entourées de bruits et le pizzicato dégoulinant dépeignent un autre Yémen. Les Parisiens s'étonnent et rient. Et c'est bien ainsi - rire et jouer et s'étonner et rire.

Le temps passé avec Birgé ne serait pas complet sans un nouveau regard sur www.drame.org/blog, où il nous offre une réécoute de '¡Vivan Las Utopias!', la contribution entraînante d'Un Drame à "Buenaventura Durruti" (1996), chantée par la fille de Birgé, Elsa, alors âgée de 11 ans. Ce qui déclenche involontairement un flashback nostalgique vers →Nato, le fantastique label fondé en 1980 par Jean Rochard. Il va sans dire que JJB fait front sans faiblir contre l'exploitation de l'homme par l'homme, le crime organisé, la manipulation de masse, le cynisme et le défaitisme. Ancré dans le quotidien, il s'insurge contre la date limite de consommation (DLC) en tant que gaspillage alimentaire. Reste à saluer l'édition anglaise de "Underground, The illustrated Bible of Cursed Rockers and High Priestesses of Sound" d'Arnaud Le Gouëfflec & Nicolas Moog, dans laquelle - aux côtés de Daniel Johnston, Moondog, Nico, The Residents, Sun Ra ou Yma Sumac - Un D.M.I. se voit confirmer, avec Boris Vian, Colette Magny, Brigitte Fontaine et Eliane Radigue, sa prétention française au statut de 'weirdo' (bizarre, vous avez dit bizarre ?).



La suite de l’article, déjà publiée le 18 mars dernier, concerne essentiellement l'album Codex, qui fait figure d'Apéro Labo 2, avec l'altiste Maëlle Desbrosses et la tubiste Fanny Meteier.