J'ai rédigé ce billet il y a plus de deux ans, mais Jonathan Buchsbaum m'avait demandé de ne pas le publier avant que le livre de Mark Jacobson ne soit édité. Maintenant que The Lampshade: A Holocaust Detective Story from Buchenwald to New Orleans (L'abat-jour : un enquêteur de l'holocauste de Buchenwald à la Nouvelle-Orleans) est sorti, je remercie Jacobson pour le scoop qu'il communiqua à mon ami new-yorkais qui me le confia à son tour ce 2 septembre 2008.
Les habitants étaient alors plus préoccupés par le passage de Gustav que par les funérailles des victimes non identifiées de Katrina. Un ouragan chasse l'autre, mais le scandale n'a pas été effacé. Le gouvernement fédéral n'a pas fait grand chose pour reconstruire la ville complètement délabrée depuis 2005. Devinez pourquoi ? Avez-vous vu, par exemple, When The Levees Broke ou Treme ? Et à qui appartiennent les quatre-vingt corps inhumés ? Pardon, six ! En effet, l'enterrement officiel, pour lequel Jacobson avait été prévenu à 6 heures du matin pour une cérémonie deux heures plus tard, concernait seulement six cadavres ! Où sont passés les autres ? Soixante quatorze corps avaient été enterrés la veille dans le secret... Quatre-vingt personnes non identifiées depuis la catastrophe, cela aurait fait trop mauvais effet pour la ville. Quatre-vingt portés disparus, non, quatre-vingt portés en terre sans avoir disparu. C'est énorme. Ne pas confondre avec les six cents disparus reconnus ! Ces quatre-vingt-là n'en font pas partie, ils n'ont simplement pas été réclamés, personne ne fut capable de les identifier. Leur nombre donne la mesure de la misère et l'escamotage celui de la mascarade. De quel pays parlons-nous ? Des États Unis d'Amérique.
Le livre de Mark Jacobson est une enquête sur l'origine de l'abat-jour en peau humaine de l'époque nazie qu'il a reçu d'un ami de la Nouvelle-Orleans juste après Katrina, et la réflexion qu'elle implique sur sa judéité.
La photo récupérée sur Internet porte la légende : Milvirtha Hendricks (1920-2009). Her little life was made larger because of the impact of Katrina on New Orleans (Courtesy: SF BayView).
En 1968, ma sœur et moi avions passé la journée à New Orleans, admirant les maisons et croisant un orchestre de jazz fidèle à la tradition. Ne connaissant aucun endroit pour y dormir, nous étions repartis le soir par un des Greyhound Buses qui nous avait amenés le matin-même. Nous passions ainsi la nuit sur les routes lorsque nous ne trouvions personne pour nous héberger. J'avais quinze ans, Agnès en avait treize et demi. Tout seuls nous avons fait le tour des USA pendant près de trois mois, voyage initiatique que je raconterai lorsque j'aurai retrouvé les diapositives... Une histoire en entraîne une autre. Trois ans plus tôt, le 12 août 1965, j'assistai à l'enterrement d'un type que je ne connaissais pas, mais qui portait le même nom que moi, à Stratford, Connecticut. Le rite m'avait estomaqué. Six Feet Under. Ce soir j'ai rouvert le journal illustré que je tenais en anglais...